Décembre 2010.
Kokyu Hoo en Seïza vous a peut-être permis de " toucher du doigt " la manifestation du Ki sans toutefois comprendre tout à fait ce qui se passe.
De nombreuses fois, on rit parce que le rire permet de panser ce que l'esprit ne pense pas, ne comprend pas. Pourtant celui qui a réussi à réaliser un geste sans contraction musculaire, souvent avec l'aide du professeur qui est venu corriger le placement du corps entier, des orteils jusqu'au bout des doigts, en passant par le maintien de la colonne vertébrale, le relâchement des épaules et le port de la tête, celui-là même a pu ressentir un petit quelque chose sans pouvoir réaliser ce qui se passe dans un instant fugace où l'esprit perd le contrôle et classe l'expérience dans le magique ou le mystérieux.
Tout d'abord, il faut rappeler que nous ne pensons que par ce que nous sommes, et principalement ce que nous avons été, ce qui a constitué notre base de données. Si un message (information verbale, visuelle ou corporelle) passe de manière codée par notre filtre, celui-ci ne pourra réellement le lire et ce message restera incompréhensible. Ceci explique pourquoi les débutants ne comprennent pas comment ou pourquoi ils ont été déséquilibrés.
Pour tenter de comprendre le Ki (comprendre = prendre avec soi), il faut tenter de le replacer dans son contexte culturel d'origine : le mot Ki au Japon est fréquemment utilisé, mais rarement tout seul : Gen Ki (bon Ki = santé), Byo Ki (malade), Ki Ni Iru (entrer dans le Ki = plaire), Ki Mochi (posséder le Ki = sentiment, humeur, état d'esprit), Ki Fu (le vent du Ki = disposition d'esprit) en sont quelques exemples.
Le Ki est immatériel, il est l'essence de toute chose. Il est la manifestation de la vie. Chaque être reçoit du Ki à sa naissance: s'il accorde son Ki avec le Ki universel, sa santé sera bonne.
« Dans le travail de l'Aïkido, la souplesse est la pierre angulaire de toute progression. La première étape est la suppression de la force rigide par relâchement et décontraction, pour acquérir la souplesse nécessaire à l'apprentissage technique. Vient ensuite le travail sur la fermeté, à ne pas confondre avec la force rigide. Cette étape permettra de réaliser les techniques de manière rigoureuse. La dernière étape sera le travail d'alliance entre souplesse et fermeté, permettant un accès à l'énergie interne. »
Christian Tissier explique dans son livre Aïkido Fondamental que la pratique doit être la plus précise et la plus rigoureuse possible, et qu'un mouvement effectué en force avec les épaules bloquées ou les hanches mal placées ne permettra pas d'accéder à la sensation du Ki et à son écoulement. Il ajoute que la position des mains, des hanches comme des coudes débloquera le corps et lui assurera la plus grande possibilité de souplesse, de puissance et de sensation.
Et Taisen Deshimaru, dans Zen et Arts Martiaux : « Dans les arts martiaux comme en Zazen, si ni la posture ni la respiration ne sont bonnes, il est impossible d'avoir un bon Ki. Il faut toujours que la puissance énergétique, la force, la conscience s'harmonisent sans tension pour que le Ki soit fort: une respiration correcte harmonise tout cela et alimente le Ki, qui est l'énergie vitale. » Et encore : « … l'expiration crée la liaison qui équilibre la conscience et la posture. -Il parle de Zazen, mais on peut appliquer cela à Seïza, et par extension au corps qui a une posture correcte- Cette activité déclenche l'impulsion équilibrante entre les muscles, les nerfs, l'hypothalamus et le thalamus. ... Entre l'esprit et le corps, l'esprit et la posture, l'esprit et la technique, la respiration établit la liaison. Finalement, posture et respiration s'unifient. La respiration devient Ki (l'énergie, le ressort ), comme le Ki d'Aïkido.»
Ainsi seule la bonne Posture permet la bonne Respiration, qui créera la Vibration et libèrera le Ki. Pour libérer ce Ki potentiel qui est en nous, il faut donc commencer par relâcher le corps. Ce relâchement ne sera efficace que s'il s'accompagne du relâchement de l'esprit. Il ne s'agit pas de se laisser aller ou de sombrer dans la mollesse, mais au contraire de lâcher son intellect et de s'ouvrir aux possibles. Si la curiosité est dite un vilain défaut, l'étincelle de curiosité est nécessaire ici à l'ouverture de l'esprit. Une fois la tension du corps apaisée et l'attention de l'esprit retrouvée, il faut s'appliquer à réaliser Waza (la technique) avec un corps souple et l'esprit curieux, sans rechercher une efficacité technique (l'efficacité viendra d'elle-même à la prochaine étape) mais avec une gestuelle correcte et le moins de tensions, afin de permettre au Ki de circuler. Enfin, inlassablement pétri et inlassablement forgée, corps et technique vont permettre à l'esprit de re-co-naître le Ki, de le com-prendre, de commencer à le guider en soi, puis en l'autre.
Placement et Posture de corps comme d'esprit sont donc indispensables pour que s'accomplisse l'écoulement du Ki, qui n'est ni mystique, ni mystérieux mais naturellement merveilleux !
*chronique « Ki, Chi, Prâna, Ankh, Pneuma, Spiritus ou l'Energie Vitale » disponible sur le Blog
** Aïkido Fondamental de Christian Tissier aux éditions SEDIREP
*** Zen et Arts Martiaux de Taisen Deshimaru aux éditions Albin Michel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire