Nombreux sont les paradoxes autour de la pratique des Budo ou des philosophies issues du confucianisme, du Bouddhisme et du Zen. Citons parmi eux Wei Wou Weï ou Agir sans agir, et Mushin no Shin, traduit par esprit sans esprit, pensée sans pensée ou encore « non-pensée ». De prime abord incompréhensibles, ces antinomies bousculent notre bon sens cartésien occidental. Elles nous invitent à voir d'un regard nouveau, à penser d'un esprit plus intuitif et à appréhender de manière plus subtile le monde qui nous entoure.
Atteindre une compréhension intuitive nécessite de détacher l'esprit de son mode de fonctionnement usuel qui s'appuie en grande partie sur la formulation verbale. Cette formulation réduit la vitesse de fonctionnement de l'esprit mais surtout lui superpose un filtre cognitif, culturel et émotionnel, plus ou moins déformant et ce, plutôt plus que moins. Dés lors que le raisonnement s'active, la pensée intuitive est freinée, parasitée, déformée : elle n'est déjà plus.
Tout se passe comme ces rêves au moment du réveil que nous savons présents mais qui s'évaporent aussitôt que nous essayons de se les remémorer. Nous avons tous vécu un instant fugace où rien n'est saisissable par l'esprit mais où nous avons pourtant l'intime conviction d'en avoir perçu l'essence, sans toutefois savoir ou pouvoir le décrire. Nous savons alors sans savoir expliquer, nous savons sans avoir à savoir.
Ce genre de paradoxes n'existe que dans nos esprits, ils s'ouvrent à notre conscience lorsqu'on les pousse à leur paroxysme.
Pour couper puissamment avec un sabre, l'expert exécutera un coupe sans force, dans le plus grand relâchement. En Aïkido, il réalisera une projection magistralement puissante avec une très grande décontraction.
Ces gestes sont tout aussi esthétiques que techniques. Rien ne les entrave. Ils se réalisent dans un instant unique dans lequel ils se doivent d'exister, il s'en dégage alors une extrême beauté.
L'expert s'est entièrement mis, corps et âme, au service de l'action qui n'existe pas avant et n'existe plus après. Dans ce temps, à la fois éphémère et intemporel, il s'est mis au service de son sabre ou s'est mis au service du mouvement. L'acteur a joué son rôle à la perfection. A t-il agit ou a-t-il laissé agir?
Il est bien difficile de déterminer s'il est l'initiateur de l'action ou s'il s'y est soumis. Il était là, au bon lieu et au bon moment, la technique affûtée, le corps disponible et l'esprit libre. Oui, peut-être n'était-il que dans l' "ici et maintenant ".
Si on demande au Maître comment être pleinement, sa réponse serait sûrement qu'il faut à la fois être et ne pas être.
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