On dit souvent que la vie commence par une inspiration et se termine par une expiration. Après ou pendant cette dernière expiration c’est la mort qui, selon la conviction de chacun, peut ouvrir de grands débats entre philosophie et théologie. Quoi qu’il en soit, Souffle et Vie sont intimement liés. La Vie est histoire de rythme et d’alternance entre inspiration et expiration. Dans la pratique de l’Aïkido, c’est " Shin Kokyu ", principe qui englobe l’échange, la respiration, l’ouverture et la fermeture, le flux et le reflux. Par extension, c’est aussi In et Yo, Yin et Yang en chinois.
Dans l’esprit du Judo des origines, il est dit que la chute est une mort symbolique dont on se relèvera grandit. Mais en combat, chuter, c’est perdre. En Aïkido, chuter n’est pas perdre, chuter, c’est accepter de sortir indemne d’une technique. Sortir indemne n’est pas mourir, c’est vivre. Hors Ukemi se fait naturellement dans l’expiration.
Expirer en Aïkido n’est pas souffler. Souffler : c’est expirer volontairement dans un acte actif qui nécessite une contraction des muscles intercostaux et abdominaux. Or, toute contraction musculaire est un frein à la libre circulation du Ki, cette énergie vitale parfois auréolée d’un mysticisme ésotérique. L’expiration finale se fait alors dans un acte passif : un acte de relâchement.
Dans le principe de Shin Kokyu, à la première intention d’attaque, on en capte l’esprit. Au premier contact avec Uke on l’inspire et on " prend " son esprit en s’harmonisant à celui-ci. Ensuite, on neutralise et inhibe toute mauvaise intention. À noter que neutraliser n’est pas détruire. À l'issue, l’intention d’attaque est annihilée.
Si tel est le cas, Shin Kokyu s’est réalisé et je peux libérer mon partenaire sans le soumettre. De manière complémentaire, je me libère aussi de lui. J’expire ainsi totalement hors de moi l’intention d’agression, source de l’attaque sans laquelle aucune rencontre martiale ne peut naître. J’expire donc, mais je ne meurs pas. Ce qui doit mourir c’est justement la source de l’agression, sujet même ou prétexte de la rencontre, qui ne me laissera ainsi aucune séquelle : peur, angoisse, colère incontrôlée, ou pire encore, volonté sournoise de vengeance.
La technique, comme la vie, commence par une inspiration et se termine par une expiration. Elle se répète inlassablement. Et nous nous nourrissons de la somme de ces expériences partagées de tout notre être avec nos partenaires. Fasse alors que nous puissions pratiquer jusqu’à notre dernier souffle !
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Inspirer : du latin Inspirare qui se traduit par " souffler dans ". Au sens figuré, c’est faire naître dans le cœur, ou dans l’esprit, un sentiment, une pensée ou un dessein.
Expirer : du latin : Spirare " souffler ". Au sens figuré, c’est mourir, cesser, prendre fin. Il faut noter que l’expiration normale est due à un acte passif dû à l’élasticité des poumons et de la cage thoracique. Lorsqu’il y a contraction des muscles intercostaux et abdominaux nous pouvons parler d’expiration forcée.
Esprit : du latin Spiritus, le souffle auquel on rattache l’âme (Principe immatériel), Dieu (Être incorporel). En chimie c’est la partie la plus volatile des corps soumis à distillation. Perdre l’esprit : c’est devenir fou. Rendre l’esprit : c’est mourir. Reprendre ses esprits : c’est revenir à la vie, se remettre d’un grand trouble.
Souffle : agitation de l’air, l’expiration de l’air inspiré. N’avoir plus que le souffle : c’est être à l’agonie. Le second souffle en sport est un regain de vitalité après une défaillance momentanée.
Souffler : vient du latin Sufflare, « souffler sur ».
Marc Senzier.
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