Depuis l'interview de janvier 2008 d'Aïkido-Ka magazine, certains points de vue restent inchangés pour moi mais d'autres ont fortement évolué. Aujourd'hui, je fais le constat de la dégradation du système fédéral français d'Aïkido. Le modèle proposé par nos fédérations (qui n'en sont pas) et par l'État qui impose un cadre juridique tout en ayant une position que l'on peut considérer comme laxiste, est d'une grande incohérence tant envers la transmission que la diffusion d'un Budō. Je m'explique :
L'amateurisme tue la discipline.
Un des principes d'une des Fédérations Françaises d'Aïkido, la FFAAA, est l'amateurisme -voir article 1 du règlement intérieur de la FFAAA-, toute personne percevant un revenu de l'Aïkido étant ainsi exclue de son organisation administrative. Ce principe empêche qu'un ou plusieurs experts ne prennent le contrôle de l'instance dirigeante et l'on pourrait dire que ceci garantit la possibilité à tout technicien de pouvoir s'exprimer. Mais dans la mise en application, que ce soit au niveau national, régional ou départemental, ce principe dessert totalement la discipline :
des "administratifs" peu gradés, donc peu pertinents dans les choix nécessaires à l'orientation de la promotion et de la diffusion de la discipline, et à l'orientation technique, se voient décisionnaires sans avoir à consulter les personnes les plus qualifiées, exclues "ipso facto" des fonctions administratives.
des enseignants bénévoles, de par leur bénévolat, qu'ils soient brevetés fédéraux ou diplômés d'État, peuvent accéder aux fonctions administratives et participer aux décisions prises concernant le devenir de la discipline, sans toutefois consulter les enseignants professionnels, les les plus concernés et souvent les plus qualifiés.
Il y a dans le domaine du sport -puisque l'Aïkido est régi par le ministère des Sports- une différence majeure entre les pratiquants amateurs et les professionnels qui ne jouent pas dans la "même cour". Pourquoi cela serait-il différent en Aïkido ?
Puisque les rênes sont confiées à des amateurs, notre discipline relève de l'amateurisme et le manque général d'investissement des amateurs tue la discipline.
Définition du mot " amateur " :
(sports) personne pratiquant un sport, une activité, sans en faire sa profession
dilettante, négligent
L'excuse des bénévoles.
"Je fais de mon mieux, je ne suis qu'un bénévole, je ne suis pas rémunéré pour cela, je fais ce que je peux, je ne savais pas..."
Le minimum que l'on attend d'une personne qui accepte d'administrer une discipline au niveau d'un comité départemental, d'une région ou de la fédération est un engagement maximum, tant au niveau administratif qu'au niveau technique qu'il ne faut pas négliger pour autant.
Le syndrome du petit chef (et celui du grand).
Il semblerait que certaines personnes trouvent dans les fonctions de responsable ou d'enseignement de l'Aïkido l'opportunité de devenir " quelqu'un ", ou plutôt l'image de " quelqu'un " qu'ils n'ont pas trouvé dans leur vie professionnelle, de loisir ou affective. L'habit ne fait pas le moine et n'en donne ni la connaissance ni la compétence.
" Nul ne peut se prévaloir d'un grade Dan s'il n'a pas été validé par la CSGDE ".
Ceci est bien connu, aussi il est d'usage pour les pratiquants français d'obtenir le grade français avant d'en obtenir, moyennant le coût usuel, le grade Aïkikaï.
Cependant certains pratiquants licenciés ont obtenu le grade Aïkikaï à la demande d'experts " fédéraux " français sans avoir passé le grade français.
Les dérives dans les fédérations.
Certaines personnes ont été récompensé pour leur engagement technique par la remise d'un grade technique ! -Et certains savent de qui je parle-. Voilà comment discréditer un peu plus notre discipline, surtout quand ces personnes se revendiquent d'un niveau qu'elles n'ont pas.
D'autres se sont vue refuser leur grade parce qu'il y a eu négociation dans les délibérations de jury, pour les grades sur examen, ou lors de la réunion de la C.S.G.D.E. (Commission Spécialisée des Grades Dan et Équivalents).
Par copinage, ou absence de rigueur dans l'encadrement des fonctions administratives, certains enseignants non diplômés se voient renouveler une autorisation provisoire d'enseigner et, ce, pendant plus de dix ans -pour un dont je tairai le nom-. Sachant qu'il se permet d'enseigner en dehors du club, dans une école primaire qui plus est, la dérive est totale.
D'autres encore, dont certains qui ont encadré les fonctions administratives d'un club ou d'une ligue, en possession d'un brevet fédéral qui n'autorise l'enseignement que dans le cadre fédéral, se permettent en toute connaissance de cause d'intervenir dans un collège, alors que seul le Brevet d'État l'y autorise.
La liste des dérives est loin d'être exhaustive.
Des enseignants 1°, 2° ou 3° Dan qui n'évoluent plus depuis dix, quinze ans et plus.
Au Japon, le titres d'assistant-instructeur est accessible à partir du 4° ou 5° Dan. Les titres d'Instructeur, Professeur et Maître le sont respectivement à partir des 5°, 6° et 7° Dan. Ceci garantit une transmission de haute qualité.
En France, il a fallu s'organiser en respectant les textes de loi concernant les fédérations sportives qui dates de 1984. À cette époque, peu d'enseignants étaient formés. Devant l'augmentation des pratiquants, le monitorat fédéral fût rendu accessible à partir du 1° Dan tout comme le brevet d'État pour lequel il faudra le 2° Dan à partir de 1996 ou 1997 -de mémoire-.
De nombreux clubs ont été créés ainsi avec des enseignants peu formés. J'en ai fait parti puisque j'avais ouvert le club de Castries (34) avec un monitorat fédéral. -pour ma part, c'était un club " satellite " du club où je pratiquais 4 fois par semaine, ce qui me permettait de commencer à retransmettre, mais surtout de rajouter deux séances à ma pratique hebdomadaire.- Certains de ces enseignants ont continué à se former sur les plans technique et pédagogique. Mais d'autres se sont satisfaits de leur statut.
Il serait logique, dans le cadre de la transmission d'un art martial, de comprendre que ce qui a été fait par nécessité devait ensuite être réajusté afin de coller au " cahier des charges " d'un Budō digne de ce nom. Il serait logique de considérer qu'un enseignant qui forme des élèves à son même niveau de grade ait un niveau supérieur. Aussi, un supérieur hiérarchique devrait inciter ce dernier à passer le grade supérieur, ou formuler une demande de grade sur dossier si cet enseignant n'est plus en mesure de présenter un grade sur examen, ou encore faire une demande pour les grades de haut-niveau. Ceci est de la responsabilité fédérale.
À l'inverse, un enseignant qui assure une charge d'enseignement en tant que responsable technique d'un club, se doit de présenter ses grades jusqu'au 4° Dan, niveau minimum requis pour le titre d'assistant-instructeur au Japon. Dans le cas contraire, il devrait laissé sa place à un autre, ou en référer à un supérieur hiérarchique pour chaque élève qu'il présente aux examens de grade Dan. -un enseignant ne devrait présenter un élève qu'à grade-2, c'est à dire que pour présenter un 1° dan, il faudrait qu'il soit 3° Dan minimum, pour présenter un 2° Dan, il faudrait qu'il soit 4° Dan minimum...- Ceci nivellerait la pratique par le haut, à l'inverse de ce qu'on observe aujourd'hui.
Tout pratiquant a le droit de ne plus vouloir passer de grade. Mais tout enseignant 1°, 2° ou 3° Dan qui par paresse, ou par conscience de ses insuffisances, décide de ne plus passer de grade, ne devrait ne plus enseigner.
Des Jurys d'examen de grade Dan trop peu gradés.
Comme pour les enseignants autorisés à enseigner avec un 1° Dan, il a fallu composer des jurys d'examen avec des enseignants peu gradés, faute d'avoir des experts disponibles. Il était admis pour l'examen d'un premier Dan que le jury soit 3° Dan, mais celui-ci pouvait être 2° Dan titulaire d'un brevet d'État. Idem pour l'examen du 2° Dan ou un jury 3° Dan B.E. pouvait suffire. Certes, il a fallu composé avec les moyens dont on disposait.
Aujourd'hui, nous pourrions organiser des jurys d'examen du 1° Dan avec des 5° Dan, niveau requis pour les instructeurs au Japon. Ceci nivellerait la pratique par le haut.
Un manque de détection des pratiquants de haut-niveau.
" L'expert en Budō ne le devient qu'à un âge ou le sportif de haut niveau ne l'est plus depuis longtemps. "
Aucun système n'est prévu pour détecter les pratiquants et les enseignants investis ou très investis. Pourtant cela serait d'une extrême cohérence pour reconnaître et faire reconnaître les qualités et le développement de la ressource humaine porteuse de progression.
Nos fédérations, qui n'en sont pas.
Éveillez vous ! La FFAB et la FFAAA, incapables de s'entendre et pourtant si proches dans leur pratique, sont en fait tout sauf des fédérations, elles sont juste capables de "fédérer" ceux qui pensent comme eux. Ce ne sont que des regroupements dont la plupart des membres administrateurs sont amateurs et pour certains de peu de culture de la discipline, incapables de voir plus loin que leur "petite parcelle" de pratique. Nous revoilà encore dans des guerres d'Ego de personnes incompétentes et diamétralement opposées aux qualités que développent le Budō.
Une vrai fédération d'Aïkido devrait regrouper toutes les tendances légitimes de l'Aïkido : Aïkido Aïkikaï, Takemusu Aïki, Yoshinkan Aïkido, le Shin Shin Toitsu Aikido ou, encore, l'Aïkido Takeda Ryu. Elle devrait regrouper aussi les mouvements créés par ceux que je nommerai comme les enfants -orphelins ou les enfants terribles, c'est-à-dire tous les mouvements significatifs créés par ceux qui ont été rejetés ainsi que ceux qui ont dû s'exiler du mouvement fédéral et dont l'Aïkido français est responsable.
Oui ! Une vrai fédération devrait fédérer dans le respect des différences.
Les autres fédérations, qui n'en sont pas pour autant.
Permettez-moi cette analogie : lorsque les premiers fournisseurs de lignes Internet ont proposé le dégroupage, beaucoup s'inquiétaient puisqu'ils rompaient avec le fournisseur officiel français de télécommunication. Quelques années plus tard, à l'inverse, on trouve inutile de payer l'abonnement téléphonique et le dégroupage est devenu courant.
Il pourrait en être de même avec les fédérations.
Certains pratiquants se sont déjà organisés (je dirai plutôt regroupés) en fédération :
la F.A.A., Fundamental Aikido Assocaition de M. Toutain
l'Aïkido Yoshinkan représentée par M. Muguruza
la F.A.T., Fédération d'Aïkido Traditionnel de M. Brun
la F.A.A.G.E., Fédération Aïkiryu et Arts du Geste de M. ABELÉ
l' A.R.A., Aïkitaï-jutsu Ryu Abe se revendiquant de Tadashi Abe.
D'autres en organisation :
l' A.A.A. K.H., Académie Autonome d'Aikido Kobayashi Hirokazu représenté par M. Cognard
l' E.P.A. I.S.T.A., École Européenne d'Aïkido International School of Traditional Aïkido de M. Peyrache
l' A.I.A.T.J., Association Internationale d’Aïkido Traditionnel du Japon de M. Blaize.
et d'autres plus récentes, entre autres :
l' École de Budō de M.Raji.
le Mutokukai représenté par M. Benedetti.
Toutes ces fédérations ou organisations regroupent un nombre important de pratiquants en France et souvent dans plusieurs pays européens ou internationaux. Certaines organisent leurs passages de grade Dan et forment leurs enseignants : les fédérations françaises d'Aïkido, qui ne devraient être qu'une, n'ont qu'un monopole statutaire.
Le travail des Armes.
Encore une spécificité franco-française !
Le travail des armes est examiné lors des passages de grades Dan FFAAA-FFAB. Le règlement de la commission des grades C.S.D.G.E. propose la nomenclature des techniques à main nue mais n'en propose aucune pour celle des armes. Les fédérations françaises d'Aïkido imposent ou proposent une progression technique pour le travail à main nue mais aucune officielle pour le travail des armes.
Ceci est d'une incohérence totale.
Qu'en est-il au Japon ?
Au Hombu Dojo de l'Aïkikaï à Tokyo, il n'y a pas de travail des armes. Il n'est donc pas examiné puisqu'inexistant. Les pratiquants souhaitant se former au travail des armes doivent se rendre dans un Dojo d'armes. -Certes, il est plus facile de trouver un Dojo d'armes au Japon qu'en France-
Le pire en France est que beaucoup d'enseignants non formés enseignent un travail d'armes alors que pour la plupart il n'en connaissent même pas les rudiments : c'est encore moins que de l'amateurisme !
Des qualifications exigées pour les uns, rien pour les autres.
J'ai évoqué le brevet fédéral, anciennement monitorat fédéral, et le brevet d'État qui confère la capacité à enseigner respectivement de manière bénévole et rémunérée. Ces qualifications demandent une formation et un coût élevé de nos jours avec le remplacement du B.E. par le D.E.J.E.P.S., nouveau diplôme d'État qui coute très cher et qui ne favorisera pas la professionnalisation des enseignants. Certes un certificat intermédiaire, le C.Q.P., devrait permettre à ses détenteurs d'avoir un statut professionnel " d'amateur " puisque les conditions d'enseignement sont soumises à restrictions.
À l'inverse, un enseignant bénévole dans un club d'Aïkido non affilié à une fédération française d'Aïkido, peut enseigner sans aucune formation ni qualification. Son club pourra même obtenir un agrément du Ministère de la Jeunesse et des Sports, il suffit pour cela :
qu'il s'affilie à une fédération multisports comme l'U.F.O.L.E.P., Union Fédérale de Ouvres Laïques d'Éducation Physique, qui en passant regroupe 561 licenciés en Aïkido en 2012
qu'il fournisse les comptes approuvés du dernier exercice.
Ainsi un club agréé peut encadrer une discipline martiale sans aucune formation préalable !
Regardons les choses de face.
Les grades Aïkido FFAAA et FFAB n'ont qu'une reconnaissance nationale. D'autres organisations délivrent des grades qui n'ont de valeur qu'en leur sein.
Les grades Aïkikaï, qui ne sont pas pour autant reconnus d'office en France, et ceux d'autres Écoles légitimes d'Aïkido ont, par leur aura, une reconnaissance internationale. De nombreuses fédérations étrangères d'Aïkido valident les grades de leur pratiquant auprès de l'Aïkikaï.
Nos fédérations françaises ne sont en fait que des Écoles déguisées en fédération. Mais elles ne méritent pas le titre d'École au sens du Ryu en Japonais.
Cette notion d'École, souvent rejetée par les instances fédérales, est pourtant le berceau des Budō. L'École garantit la transmission de la discipline dans la forme et dans le fond. Elle veille à ce que la transmission soit verticale, de maître à élève. Elle s'assure d'une communication bilatérale entre la " maison mère " et les Dojo affiliés. Elle favorise les échanges entre ses membres tout en œuvrant pour le maintien d'une hiérarchie indispensable à la progression de tous. Elle forme ses cadres de manière continue, délivre des autorisations d'enseigner au nom de l'école et reconnaît l'accès à un haut niveau de pratique et de connaissance à quelques experts méritants qui portent alors le titre de Shihan ou Kyoshi, Renshi et Hanchi pour les Koryu, Écoles dites anciennes.
La critique est aisée, mais l'art martial est exigeant.
Si nous ne pouvons faire progresser les choses de l'intérieur au niveau fédéral, est-il utile de persévérer et de gaspiller ce temps précieux que nous réclame le Budō ?
Ne devrions-nous pas plutôt nous consacrer à mettre en application les enseignements reçus de nos Senseï et faire fi du reste ?
Marc Senzier. 14 mars 2013.
pour une fois que je lis un article intérressant sur les fédérations et tout ce qui en découle! ceci est la vision exact que j'exprime de l'aikido Francais!
RépondreSupprimerje rajouterais juste une choses qui me fait clairement penser que les grades "fédéraux" ne valent pas grand choses, c'est que lors des passages de ces dis "grades" on vous demande d'abord de faire un chèque d'une coquette somme qui vous ouvre le droit de faire une démonstration du catalogue technique en tant que Uké et Tori, ce qui ne laisse aucune place à la créativité... l'aikido est un Art, il faudrait peut être penser à le considérer en tant que telle!
je ne vais pas parler des mes anciens professeur avec qui j'ai eu le privilège mais aussi le dégout de pratiqué cette art telle que Mr Gouttard, Mathevet, Rascle, Palmier, Tissier et d'autre qui sont certe de très bon technicien, mais qui trouve tout de même le moyen de dire qu'il n'y a rien en dehors du catalogue technique, ou que si il y a ce n'est pas de l'aikido...
pour ma part j'ai completement arrété l'aikido aprés plus de 10 années de pratique, à cause de ce genre de pratique qui je pense cantonne cette art martial à un sport codifié et fermé,ce qui ne devrait pas être le cas...
O'sensei disait lui même que tout mouvement de vie est aïkido,univers est aikido... la façon dont je le vois pratiqué aujourd'hui me fait juste pensé que "l'aikido n'est plus" et qu'il a perdu son essence