Article paru dans Haru No Soyo Kase en Octobre 2011.
" Trancher son Ego ", il n'est pas rare d'entendre prononcer ces mots dans le monde du Budō. Mais qu'entendons-nous par Ego ? Qui est cet Ego ou comment le définir ? Et pourquoi vouloir le trancher ?
Un des Budō qui invite sans relâche à s'accorder à soi-même jusqu'à l'inclure dans sa propre définition est le Iaïdō, que l'on définit trop facilement par « l'art de dégainer et de couper spontanément avec le sabre Japonais ».
I signifie l'Être, Aï c'est accorder, unifier et Dō, la voie, le chemin permettant un accomplissement ou encore la quête. Dans cet art où le travail se fait toujours sans partenaire, que cherche-t-on à développer puisqu'il s'agit d’acquérir une technique que jamais nous testerons contre quelqu'un ?
Au-delà de la technique, la recherche s’oriente alors vers le seul ennemi présent pouvant représenter un frein à l'amélioration et la perfection de la technique : Soi-même. Ainsi le Iaïdō invite le pratiquant à se pourfendre lui-même, au sens figuré comme au sens propre lorsque par inadvertance le geste maladroit est automatiquement sanctionné par un tranchant affûté hors du commun. De fait, le sabre devient bien le seul partenaire, certes non humain, qui ne laisse passer aucune erreur.
Avançant irrémédiablement vers la perfection que jamais on n'atteindra, non pas parce que nous n'en avons pas les moyens, mais parce qu'elle est sans fin et sans limite, la quête s'oriente vers le Soi profond dont on dit qu'il est occulté par le Moi superficiel ou Ego.
Ainsi pour le Budō, l'Ego est plutôt considéré comme une entrave à notre développement spirituel. Il est ce qui nous empêche de voir librement et nous impose une déformation de la réalité par ce filtre qu'il superpose à notre regard. À l'instar de nombreux courants spirituels, l'Ego est une représentation faussée qu'un individu se fait de lui-même et qui l'empêche de voir sa vraie nature, l'emprisonnant dans une fausse réalité.
Dans la voie du Bouddhisme, on prépare l'être humain à se libérer de cette perception afin de lui permettre de s'affranchir de la souffrance dont la cause est la croyance à l’existence du Moi, considéré comme une construction mentale ne correspondant à aucune réalité tangible. L'Ego est alors une fausse interprétation qu'un individu se fait de lui-même et cette représentation fait écran à sa vraie nature, produisant un piège enchaînant l'Homme à l'égocentrisme, l'orgueil, la vanité, l'amour-propre et la perception erronée du monde. Dans cette conception, une personne libérée de son ego peut connaître l'éveil spirituel.
À l'opposé, en psychologie, l'Ego est la représentation ou la conscience que l'on a de soi-même et est alors considéré comme le fondement de la personnalité. Ainsi pourquoi se trancherait-on soi-même ? Pourquoi voudrait-on annihiler sa propre personnalité ?
Il faut alors reprendre la définition de Ego, tirée de sa racine grecque, Je ou Moi. Cependant ces deux termes et l'usage que l'on en fait peuvent facilement créer des confusions, si bien qu'il est parfois difficile de distinguer ces termes selon différents auteurs. Considérons alors le « Je » et sa dérive le « Moi, je ». Pour le Budō, comme pour le Bouddhisme, le Je n'est pas le frein, c'est le Moi, je. Le Dō (Aïkidō, Kendō, Iaïdō …) devient alors Seishin Tanren, la forge de l'esprit, et invite le Samouraï à se dépasser pour atteindre le Satori ou la vraie connaissance.
Ainsi Trancher l'Ego devient nécessaire pour réaliser le véritable éveil spirituel en prenant conscience que l'ennemi n'est pas au dehors mais bien en soi. Le Budō nous apprend à nous dépouiller nous-mêmes pour se retrouver soi-même avec son soi profond enfin libéré du Moi superficiel.
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