Se
repérer dans l'espace, évaluer une distance, développer la vision
sont des capacités à développer pour tout Budo-ka. Au fur et à
mesure de l'expérimentation lors de la pratique, nous entrevoyons
des lignes directrices, des tangentes, des angles ou des courbes qui
nous permettent de mieux appréhender une attaque, un positionnement
ou la direction d'un déséquilibre. Comprendre cette géométrie
martiale nous permet de développer une stratégie de
déplacements-placements afin d'optimiser une esquive, de placer un
Atémi en touchant sans être touché ou encore de couper sans se
faire trancher.
Je vais tenter de développer mes propos et marquer
une différence entre géométrie spatiale et géométrie martiale.
Prenons
l’exemple de Ikkyo Omote sur un contact de type Shomen Uchi.
Dans
cette configuration, il est impossible d'avancer en ligne droite sans
le risque de ne pas pouvoir déplacer un partenaire plus puissant que
soi ou de rentrer dans l'Uchi Ma (distance de frappe).
Le
déplacement se fait donc sur l'Omote (intérieur) du Uke en restant
orienté vers lui. Il est ensuite possible d'avancer en descendant le
bras du Uke sur ce nouvel axe.
Si la sortie de la ligne d'attaque est insuffisante, la poussée ne se fait pas dans l'axe de retournement du partenaire. Il faut alors plus de force physique ou plus de déplacement pour engager le Ikkyo.
(photo de gauche)
Lorsque la sortie est trop importante, le déplacement sur un pas n'est plus possible, Uke restant trop éloigné pour engager la technique. (photo de droite)
Examinons
cet exemple d'un point de vue géométrique et martial.
1°
Cas, action réussie :
L'axe
vers le partenaire mesure la profondeur du Irimi (engagement du corps
vers le partenaire), l'autre celle de la sortie de la ligne
d'attaque. Les possibilités de déplacement sur un pas et de riposte
(Atémi) se limitent au rayon d'action de Tori.
Le
déplacement-placement de Tori laisse apparaître une valeur pour le
niveau d'engagement en Irimi ainsi que l'amplitude de la sortie de la
ligne d'attaque. Le rayon d'action s'est déplacé et englobe
maintenant Uke.
Nous
constatons que le segment CB (Tori à Uke) s'inscrit sur une ligne
droite qui coupe l'axe de sortie de la ligne d'attaque en A'.
En
se plaçant directement sur C, Tori rend sa sortie de ligne d'attaque
aussi efficiente (capable du même rendement) que la valeur AA'
Si
Tori était sorti de la ligne d'attaque en A', l'amplitude de sortie
aurait eu la même valeur AA', mais le niveau d'Irimi aurait été
nul. De Plus il aurait fallu avancer ensuite jusqu'au point C, ce qui
aurait nécessité un deuxième déplacement.
En
se plaçant en C, Tori a donc activé une optimisation du rapport
" sortie de ligne d'attaque / Irimi "
Il
ne reste plus qu'à engager le corps vers le point B.
2°
Cas d'une sortie de ligne d'attaque (même légèrement) insuffisante
:
On
observe un même niveau d'engagement du Irimi mais on constate une
efficience et une amplitude réduites pour la sortie de la ligne
d'attaque.
La
technique n'est plus optimisée, il faut plus de force physique ou
changer la direction de travail.
(NB:
en dynamique un expert pourra ne plus sortir de la ligne d'attaque
tant qu'il reste dans un timing précis et/ou tant que Uke ne dépasse
pas son potentiel de force ;-)
3°
cas d'une sortie de ligne excessive :
Certes
l'amplitude de sortie est plus importante mais l'efficience est la
même. Il y a eu donc un gaspillage (perte) lors de ce
déplacement-placement.
À
noter que le rayon d'action est insuffisant ici pour atteindre
directement le point B.
Remarque
fondamentale :
Nous
observons la même efficience pour la sortie de la ligne d'attaque
dans les cas n°1 et n°3.
Géométrie
spatiale et géométrie martiale :
Alors
pourquoi ne pas optimiser au maximum l'efficience de sortie de la
ligne d'attaque avec le même niveau d'Irimi, ce qui apparaît
ci-dessus en rouge et qui est optimal d'un point de vue géométrique
?
Tout
simplement que la distance AC est plus courte que AD, soit un temps
plus court pour franchir la distance. De même pour la distance CB,
plus courte que DB, ce qui représente quelques micro-secondes qui
peuvent faire la différence.
Il
existe donc une différence entre Géométrie spatiale et géométrie
martiale.
Encore
un dernier point :
Cet
exemple démontre que l'on peut aller au-delà des capacités d'un
individu.
En
se plaçant sur le point E, l'efficience de sortie de la ligne
d'attaque dépasse largement la capacité de rayon d'action et de
déplacement de Tori.
Si
ce déplacement-placement n'est pas adapté à l'exemple choisi
(contact Men Uchi / Ikkyo Omote), il peut l'être dans de nombreux
autres cas, notamment pour une absorption et la création d'un
déséquilibre sur une attaque portée (frappe). Noter l'axe bleu EB
est proche des 45°, valeur d'angle que l'on retrouvera souvent.
NB
: l'étude ne porte que sur le plan horizontal. Étendue au plan
vertical, elle s'ouvrira sur notre dimension spatiale en 3D à laquelle on
ajoutera une quatrième dimension : celle du temps. Puis... au-delà.
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