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samedi 30 janvier 2016

Géométrie martiale

Se repérer dans l'espace, évaluer une distance, développer la vision sont des capacités à développer pour tout Budo-ka. Au fur et à mesure de l'expérimentation lors de la pratique, nous entrevoyons des lignes directrices, des tangentes, des angles ou des courbes qui nous permettent de mieux appréhender une attaque, un positionnement ou la direction d'un déséquilibre. Comprendre cette géométrie martiale nous permet de développer une stratégie de déplacements-placements afin d'optimiser une esquive, de placer un Atémi en touchant sans être touché ou encore de couper sans se faire trancher. Je vais tenter de développer mes propos et marquer une différence entre géométrie spatiale et géométrie martiale.

Prenons l’exemple de Ikkyo Omote sur un contact de type Shomen Uchi.



Dans cette configuration, il est impossible d'avancer en ligne droite sans le risque de ne pas pouvoir déplacer un partenaire plus puissant que soi ou de rentrer dans l'Uchi Ma (distance de frappe).
Le déplacement se fait donc sur l'Omote (intérieur) du Uke en restant orienté vers lui. Il est ensuite possible d'avancer en descendant le bras du Uke sur ce nouvel axe.

Si la sortie de la ligne d'attaque est insuffisante, la poussée ne se fait pas dans l'axe de retournement du partenaire. Il faut alors plus de force physique ou plus de déplacement pour engager le Ikkyo.
(photo de gauche)

Lorsque la sortie est trop importante, le déplacement sur un pas n'est plus possible, Uke restant trop éloigné pour engager la technique. (photo de droite)


Examinons cet exemple d'un point de vue géométrique et martial.

1° Cas, action réussie :

L'axe vers le partenaire mesure la profondeur du Irimi (engagement du corps vers le partenaire), l'autre celle de la sortie de la ligne d'attaque. Les possibilités de déplacement sur un pas et de riposte (Atémi) se limitent au rayon d'action de Tori.

Le déplacement-placement de Tori laisse apparaître une valeur pour le niveau d'engagement en Irimi ainsi que l'amplitude de la sortie de la ligne d'attaque. Le rayon d'action s'est déplacé et englobe maintenant Uke.

D'un point de vue géométrique, Tori s'est déplacé de A en C, tout en restant orienté vers B.

Nous constatons que le segment CB (Tori à Uke) s'inscrit sur une ligne droite qui coupe l'axe de sortie de la ligne d'attaque en A'.
En se plaçant directement sur C, Tori rend sa sortie de ligne d'attaque aussi efficiente (capable du même rendement) que la valeur AA'
Si Tori était sorti de la ligne d'attaque en A', l'amplitude de sortie aurait eu la même valeur AA', mais le niveau d'Irimi aurait été nul. De Plus il aurait fallu avancer ensuite jusqu'au point C, ce qui aurait nécessité un deuxième déplacement.

En se plaçant en C, Tori a donc activé une optimisation du rapport " sortie de ligne d'attaque / Irimi "
Il ne reste plus qu'à engager le corps vers le point B.

2° Cas d'une sortie de ligne d'attaque (même légèrement) insuffisante :

On observe un même niveau d'engagement du Irimi mais on constate une efficience et une amplitude réduites pour la sortie de la ligne d'attaque.
La technique n'est plus optimisée, il faut plus de force physique ou changer la direction de travail.
(NB: en dynamique un expert pourra ne plus sortir de la ligne d'attaque tant qu'il reste dans un timing précis et/ou tant que Uke ne dépasse pas son potentiel de force ;-)

3° cas d'une sortie de ligne excessive :

Certes l'amplitude de sortie est plus importante mais l'efficience est la même. Il y a eu donc un gaspillage (perte) lors de ce déplacement-placement.
À noter que le rayon d'action est insuffisant ici pour atteindre directement le point B.

Remarque fondamentale :
Nous observons la même efficience pour la sortie de la ligne d'attaque dans les cas n°1 et n°3.

Géométrie spatiale et géométrie martiale :

Alors pourquoi ne pas optimiser au maximum l'efficience de sortie de la ligne d'attaque avec le même niveau d'Irimi, ce qui apparaît ci-dessus en rouge et qui est optimal d'un point de vue géométrique ?

Tout simplement que la distance AC est plus courte que AD, soit un temps plus court pour franchir la distance. De même pour la distance CB, plus courte que DB, ce qui représente quelques micro-secondes qui peuvent faire la différence.

Il existe donc une différence entre Géométrie spatiale et géométrie martiale.

Encore un dernier point :

Cet exemple démontre que l'on peut aller au-delà des capacités d'un individu.
En se plaçant sur le point E, l'efficience de sortie de la ligne d'attaque dépasse largement la capacité de rayon d'action et de déplacement de Tori.
Si ce déplacement-placement n'est pas adapté à l'exemple choisi (contact Men Uchi / Ikkyo Omote), il peut l'être dans de nombreux autres cas, notamment pour une absorption et la création d'un déséquilibre sur une attaque portée (frappe). Noter l'axe bleu EB est proche des 45°, valeur d'angle que l'on retrouvera souvent.


NB : l'étude ne porte que sur le plan horizontal. Étendue au plan vertical, elle s'ouvrira sur notre dimension spatiale en 3D à laquelle on ajoutera une quatrième dimension : celle du temps. Puis... au-delà.

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