Cet
article fait suite à « L'Aïkido : Techniques martiales ? ».
Dernier
article de 2015, ce texte n'est pas enclin à l'optimisme et
s'accorde au déclin de la lumière jusqu'au solstice d'hiver
prochain. Avec les bonnes résolutions de la nouvelle année, les
prochains articles de cette série traiteront des solutions
envisageables pour redorer l'art martial.
L'avenir
de l'Aïkido est celui que nous lui réservons, nous les pratiquants,
les enseignants, les maîtres et les « administratifs ».
Nous sommes tous responsables du devenir de la discipline que nous
pratiquons. Mais sommes-nous à son service ? Ou sommes-nous au
service de notre Ego ?
Le
Budo ne s'est pas créé du jour au lendemain. Il aura fallu
plusieurs siècles d'expérimentations et de réflexions pour
transformer l'acte barbare du combat en Voie de réalisation de
l'Être. Ce processus de métamorphose fut lent et progressif. Nous
sommes les héritiers d'un savoir-faire et d'un savoir-être issus de
cette évolution. Mais aujourd'hui nombre de pratiquants ne
s'intéressent qu'à l'aspect technique et au résultat immédiat. Au
nom de la compétition sportive, renforcements musculaires, exercices
cardiovasculaires et compléments alimentaires sont la panacée des
sportifs dans l'espoir d’atteindre, peut-être, un éphémère
moment de gloire. Au nom de la compétition avec les autres,
renforcement de l'Ego, non-écoute, non-attention, auto-congratulation
se répandent.
S'il
existe encore des maîtres de disciplines martiales qui orientent
leur pratique dans le respect et l'éthique du Budo, de trop nombreux
pratiquants bafouent allègrement les principes fondamentaux. Ils
revendiquent haut et fort un état d'esprit, une manière d'être et
une règle de vie en adéquation avec les principes qui régissent
une Voie, mais la plupart ni ne les applique ni ne les respecte.
L'exemplarité n'est plus démontrée, les sources se tarissent, le
désert guette. Le paysage du Budo sera bientôt remplacé par une
pratique synthétique où l'Ego des uns fera le malheur des autres,
où les vices de notre société moderne seront rois et les trésors
de la Voie perdus à jamais.
Budo-Ka,
sommes-nous dans l'impasse ?
Oui,
si nous continuons ainsi.
Pouvez-vous
imaginer, pendant la remise d'un grade de haut niveau, voir le
récipiendaire tourner le dos au Senseï sans même le saluer, alors
que celui-ci est en train de lui remettre son diplôme, pour lire un
discours sorti de son Keiko-Gi* à l'attention du public improvisé
de pratiquants présents ?
Oui !
Vous pouvez l'imaginer. J'en ai été le témoin. J'ai été le
témoin de cette mascarade, devrais-je dire de ce carnaval. Quel
piètre spectacle ! Et quel exemple pour les jeunes pratiquants
présents !
Impossible
de minimiser la scène en portant la faute sur l'ignorance du
protocole : il s'agit là d'un haut grade d'Aïkido, le premier
des hauts grades exemptés d'examen technique !
Le
récipiendaire égotiste continue son discours : il aime se
remémorer son ancienneté ou ses actions de promotion comme des
faits d'armes. Il a invité des « notables » d'autres
disciplines, des hauts gradés eux aussi dans leur discipline, dont
certains aux abdomens proéminents sont incapables de s’asseoir en
Seiza ni d'adopter une position debout de circonstance. Chacun prend
la parole, nous assistons à une pléiade de monologues plus
égotistes les uns que les autres. La plupart des pratiquants,
choqués par la scène, ne restent sur le tatami que parce qu'ils
n'ont pas encore effectué le salut de fin de stage : impensable
pour eux de manquer de respect au Senseï présent. Ils sont pris en
otage par leur hôte, celui-là même qui a organisé le stage et qui
se reconnaîtra sûrement dans ces lignes.
Qui
est responsable ? L'enseignant égotiste ? Le Senseï qui a
« bien voulu » signer la demande de grade (il s'agit d'un
grade de haut niveau sur dossier et sans examen) ? Ou
l'administratif qui a initié la demande (le demandeur n'a aucun
grade Dan) ?
L'administratif
l'est, bien qu'il ne pensait pas à mal, même si le premier expert
consulté avait refusé de signer la demande. Le Senseï aussi, car
il n'a pas osé dire non à son tour, ou parce qu'il n'a pas vu le
niveau réel du récipiendaire. L'enseignant cité ici l'est de par
sa nature égotiste et mégalomane de surcroît.
Tous
sont responsables à des degrés différents. Mais nous le sommes
aussi en cautionnant cela !
Les
dérives de la Voie sont multiples : Ego des pratiquants, des
enseignants, des administratifs ; manque de pratique et de
niveau technique ; échelle des grades faussée par des grades
« donnés » sur des critères autres que techniques ;
techniques « techniciennes » sans cohérence martiale ;
faible niveau technique d'un grand nombre d'enseignants. Et sans
oublier : gestion « sportive » et fédérale d'un
art martial qui n'est surtout pas un sport de combat.
Trouverons-nous
les remèdes à ces maux ?
(à
suivre)
*
tenue d’entraînement appelée à tort Kimono
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