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samedi 5 décembre 2015

L’Aïkido : un art martial ?

Cet article fait suite à « L'Aïkido : quel devenir ? »

Cette question revient souvent et met en évidence la difficulté pour un art martial de concilier techniques de combat et finalité pacifiste. Cette question reste cependant cruciale pour l'avenir et le devenir de l'Aïkido.

Je m’interrogeais : « Si demain je devais partir au combat, à partir de quel grade inviterais-je mes élèves à me suivre ? 1° Dan ? Grade Kyu ? 3° Dan ? ». En d'autres termes, à partir de quel niveau le pratiquant est-il apte à survivre dans un combat au corps à corps ?

Pour répondre à cette question, il faut s'interroger sur la formation de l'élève. Au départ, on place l'élève en situation d'apprentissage. Pendant cette période, il doit se familiariser avec le « matériel » (noms des techniques, modes de travail, fondamentaux et principes techniques), puis doit se former (réalisation des techniques, mise en application des principes, développement des capacités corporelles...). L'envoyer au combat pendant cette période serait extrêmement risqué.
Il en est de même dans de nombreux domaines : par exemple, amène-t-on un débutant en ski directement sur une piste noire ?

Pendant la période d'apprentissage et de formation, il faut privilégier un travail souple, surtout dans la relation Uke-Tori (celui qui reçoit la technique et celui qui la réalise) : ne pas forcer, ne pas bloquer ni contrer, apprendre à suivre... permettre de réaliser la forme technique pour favoriser sa mémorisation puis son exécution.
Parfois les pratiquants se croient suffisamment préparés alors que leur formation est incomplète. C'est souvent pendant cette période que l'on souhaite pratiquer autrement : des attaques plus réalistes, des techniques appliquées avec plus de détermination..., au risque de blesser son partenaire ou de se blesser soi-même. Voudrait-on déjà faire du hors-piste ? Si oui, alors on se casse une jambe ou on se prend un arbre.
Le piège est que, lorsque l'on croit pratiquer suffisamment bien, on commence à se satisfaire du niveau que l'on croit avoir atteint. Et lorsque l'on ne parvient pas à exécuter une technique comme on le souhaiterait, on rejette la faute sur Uke, ou on affirme que l'Aïkido n'est pas efficace si par malheur on a eu à en découdre « dans la vraie vie ». Alors on arrête de pratiquer..., déçu... Et la faute sera toujours rejetée sur l'autre ou sur la discipline, mais jamais ou trop rarement sur soi : ce ne sont pas les techniques qui sont défaillantes, mais ceux qui les réalisent.

Par ailleurs et au prétexte que l'Aïkido est un art que chacun peut pratiquer comme il le ressent, des choix techniques ou pédagogiques très différents se sont développés. Si tout est réalisable, tout n'est cependant pas pertinent, encore moins lorsque l'on parle d'art martial. Mais pour ne pas heurter la sensibilité de certains, les fédérations n'imposent pas de « formes techniques ». Elles laissent la pratique prendre différentes directions dont toutes ne donnent vraiment pas l'envie de pratiquer cet art martial !

Dans les Ryu où les Kata* (formes codifiées) participent à une transmission relativement fidèle, les principes techniques restent relativement bien préservés. Même s’ils évoluent au gré des Senseï* (professeurs, maîtres), ils conservent leur cohérence martiale.
On pourrait croire que les disciplines pratiquant le Shiaï (test, compétition) préservent aussi la totalité de leur répertoire technique. Mais la plupart des règles imposées pour ces combats « sportifs » excluent souvent les techniques les plus dangereuses, donc les plus efficaces, qui ne sont alors plus travaillées voire tout simplement oubliées. C'est généralement le cas pour les disciplines où le Shiaï n'est plus considéré comme un moyen mais une finalité.
Pour renouer avec l'art martial et réintroduire cette cohérence martiale parfois délaissée ou oubliée, il semble nécessaire que de nombreuses formes techniques soient retravaillées. Des échanges entre et avec les experts doivent être alors provoqués, non pas pour les juger ou les comparer, mais pour remettre en question le travail technique et le perfectionner. Nous ne pouvons pas juger de notre pratique seulement par la connaissance que nous en avons. Aussi, comme disait Coluche : " l'homme se croit suffisamment intelligent puisque c'est avec cette même intelligence qu'il se jauge ! " Ne tombons pas dans le piège de l'autosatisfaction.

Pour que les techniques d'Aïkido restent ou redeviennent celles d'un art martial, nous devons les renouer avec leurs fondements comme avec leurs principes.


* les mots japonais ne se déclinent ni en genre ni en nombre, je les écrits au singulier.

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