Cet
article fait suite à « L'Aïkido : quel devenir ? »
et « L'Aïkido : un art martial ? »
Continuons
à nous interroger sur le devenir de l'Aïkido en tant qu'art
martial.
La
finalité pacifiste a orienté la pratique vers des formes où le
coté martial est mis de côté au profit des qualités que l'on
cherche à développer ou perfectionner. Cette non-martialité a pour
conséquence le non-attrait de la discipline par les plus jeunes et
la baisse du nombre de pratiquants.
Le
non-renouvellement de la population s'accompagne aussi du
vieillissement des pratiquants et l'âge moyen des pratiquants
augmente.
Nous
pourrions nous réjouir du fait que, contrairement à un sport de
combat, les Aïkido-ka* peuvent pratiquer jusqu'à des âges avancés.
Mais nous devrions nous inquiéter d'une pratique " aménagée ",
démontrée par des " vieux ", qui ne séduit
plus les jeunes générations.
Après
le dernier des mohicans, le dernier samurai, y aura-t-il un dernier
Aïkido-ka ?
Pour
survivre en tant qu'art martial, l'Aïkido doit impérativement
renouer avec ses techniques martiales. Il ne s'agit pourtant pas de
revenir aux techniques ancestrales du Daïto Ryu Aïki Jujutsu, car
autant pratiquer le Daïto Ryu, mais il s'agit de recentrer la
pratique sur la martialité.
Une
citation de Ô Senseï Moriheï Ueshiba est : " L'Aïkido,
c'est Irimi et Atémi ". De nos jours, peu d'Aïkido-ka*
sont formés aux Atémi*. Certains les évitent même, prétextant à
juste titre qu'il est préférable de construire sa technique sans
Atémi en privilégiant Ma-Aï et la gestion du déséquilibre. Car
apprendre à réaliser les techniques sans Atémi, c'est inviter le
pratiquant à respecter le principe pacifiste de l'Aïkido.
Mais
pour se passer des Atémi, il est préférable de savoir les placer :
nous pourrions bluffer, pourquoi pas si ça marche ! La meilleure
menace l'est parce qu'elle demeure à l'état de menace. Mais que
faire lorsqu'il faudra abattre ses cartes ? Avouer que l'on pratique
un art martial sans martialité ?
J'ai
parmi mes amis de bons Budo-ka* qui pratiquent un art martial cousin
de l'Aïkido Aïkikaï. Leurs techniques remontent à celles des
champs de bataille et leur recherche est orientée vers l'efficacité.
Pas de travail en Suwari Waza (technique à genoux) car ne pas se
relever sur le champ de bataille c'est mourir, pas d'immobilisations
ou de contrôles mais une clef articulaire déstructurante car
l'ennemi guette tout autour. Pourtant, et malgré cette recherche
d'efficacité, leur pratique s'accompagne d'un grand respect du
partenaire et on ne lui fait pas subir une technique s'il ne connaît
pas le Ukemi associé (forme corporelle pour suivre et subir la
technique qui peut être une brise-chute ou une descente au sol).
Leur pratique ne fait donc pas subir de dommages corporels (sauf
accident, ce qui est inhérent à toute discipline martiale ou
sportive). Nous pouvons alors affirmer que la finalité reste
pacifique : mais ne confondons pas finalité pacificatrice et
pacifiste, la première recherche à établir la paix par la guerre
si besoin, la seconde se refuse à toute violence.
L'Aïkido
n'est pas pacifiste, il ne refuse pas la violence puisqu'il l'étudie
pour tendre à l'annihiler.
Les
techniques de l'Aïkido ont une volonté pacificatrice : ne pas subir
de dommage et ne pas en faire subir pour tendre vers la paix. Aussi
les techniques sont orientées vers le contrôle des articulations
plutôt que leur destruction : Ikkyo recherche le contrôle du coude
plutôt que son amrlock. Aussi celui qui maîtrise Ikkyo pourra
décider de préserver ou détruire. Au pied du mur, la forme
technique privilégiera la préservation mainte fois travaillée.
Cependant,
si nous exécutions des formes techniques en incohérence avec les
arts du combat, alors nous ne serions que dans la position de subir
les attaques d'un attaquant qui, en situation de conflit, fera fi de
toute considération philosophique.
Pour
recentrer les techniques de l'Aïkido vers la martialité, il faut
faire un tri parmi toutes les formes proposées et exclure, ou du
moins repositionner, celles qui sont des exercices visant à
développer des qualités, pour privilégier au travers des formes de
base et de leurs applications (et uniquement si elles sont
cohérentes) le développement de ces qualités.
Nous
sommes les héritiers et les gardiens des techniques martiales de
l'Aïkido. Que léguerons-nous aux prochaines générations ?
*
les mots japonais ne se déclinent ni en genre ni en nombre, je les
écrits au singulier.
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