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mardi 29 octobre 2013

Uchidachi, l'essence du rôle de Uke dans l'Aïkido.


Texte paru dans Haru No Soyo Kase en novembre 2012.

Les rôles de Tori et Uke sont trop souvent mal compris (j'utilise ici le verbe comprendre dans le sens de son étymologie : prendre avec soi) et beaucoup préfèrent le rôle de celui qui fait la technique. C'est ainsi que l'on passe à coté de l'essence du Budō.


Certes, il n'est ni confortable ni agréable de se faire tordre les poignets, ou de se faire projeter sans ménagement alors que l'on prête son corps à l'autre dont on s'attend par définition à ce qu'il fasse preuve de bienveillance. J'ai pour ma part subi un grave dommage en prêtant mon bras pour un Shiho Nage à un partenaire pourtant plus gradé qui, faute de ne pas réussir sa technique, a tout bonnement failli réussir à m'arracher l'avant-bras.

Il ne devrait y avoir qu'une période où le risque est augmenté : celle du débutant à qui l'on doit faire comprendre qu'il est plus que nécessaire de réaliser les techniques sans forcer les mouvements pour une raison majeure qui est de garantir la sécurité. Ce principe acquis, plus personne ne devrait utiliser une force brutale, ni forcer un mouvement qui ne marche pas avec un partenaire. C'est ici que l'on distingue les pratiquants de Budō des abrutis (terme ici aussi employé dans le sens de l'étymologie) ou plus communément connus des " anthro-Do-pologues " sous le nom de " Brutus Vulgaris pratiquantus non sapiens ".

Dès la période du débutant passée, l'étude technique nous invite à une pratique dans le partenariat plutôt que dans l'adversité en jouant alternativement les rôles de défenseur et d'attaquant.



Dans les Koryu, dites écoles anciennes, et plus précisément dans le Ken-Jutsu, les rôles ne sont pas permutables. L'attaquant va favoriser l'apprentissage de la technique. Il va ainsi donner matière à travailler, tel un Sempaï envers son Kohaï (ancien, cadet). Ce rôle difficile est donc confié au pratiquant le plus chevronné qui prend le rôle d'instructeur. Il doit alors gérer plusieurs paramètres : sécurité, distance, tempo tout en s'adaptant aux progrès de l'élève. C'est le rôle de Uchidachi que l'on peut traduire par " attaquer le sabre ", et c'est un rôle de responsabilité.

Dans les Kihon Waza, c'est aussi le rôle du perdant. Il perd intentionnellement afin de développer les capacités de l'élève, ce qui implique retenue, humilité, bienveillance, abnégation et auto-sacrifice. À ce stade, on peut comprendre que les contraintes liées à ce rôle découragent le plus grand nombre. Pourtant, l'enseignement donné en tant que Uchidachi est rendu au centuple : pour les qualités humaines développées, pour l'esprit de pratique adoptée, et plus prosaïquement pour toutes les qualités développées par ce rôle comme la gestion accrue du Ma-Aï, la précision des gestes développée, la maîtrise de ses gestes et l’assimilation des principes, et encore, l'expérimentation diverse comme faire face au soleil, la gestion d'un espace restreint, l'augmentation de son état de vigilance souvent élargi aux groupes de pratiquants à proximité, et, d'une manière symbolique certes, le fait de faire face à la mort maintes et maintes fois. Ce rôle est un véritable Seishin Tanren, forge de l'esprit.

C'est ainsi que le rôle de Uke en Aïkido devrait être abordé, avec le même esprit, avec la même foi. Lorsque je vois un pratiquant gradé esquiver le salut d'un débutant, je sais qu'il n'est pas encore prêt et combien il est aveugle car le débutant est un joyau brut : être capable de réaliser parfaitement une technique, en respectant le cahier des charges, avec un débutant nécessite une grande maîtrise. Alors, esquivant ou craignant la difficulté, beaucoup passent à coté de cette chance offerte.

Tori n'est rien sans Uke. De même, la technique que l'on applique reste limitée si l'on ne " prend pas avec soi " le rôle de Uke.

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