Dans
l'Éducation nationale, plusieurs méthodes ont été élaborées
pour apprendre à lire et on retient aujourd'hui la méthode globale
qui s'oppose à celle dite syllabique ou la complémente.
Qu'en
est-il pour les arts martiaux ? Existe-t-il plusieurs méthodes
d'enseignement ? Comment influencent-elles l'apprentissage ?
Y a-t-il une méthode plus efficace qu'une autre ?
Le
brevet d'état français pour la discipline Aïkido favorise une
méthode analytique.
La
conception d'un cours s'organise de manière structurée selon un
schéma de construction défini avec une prise en main, une
préparation physique, une étude technique orientée avec un thème
précis, des objectifs préalablement définis et un retour au calme.
L'objectif principal de la séance préparée est décliné en
sous-objectifs qui permettent de « traiter » le sujet.
Cette
méthodologie présente l'avantage de structurer les cours,
d'orienter et concentrer l'étude vers un objectif précis. En outre,
elle met en avant la compétence pédagogique qui permet à un
« jeune enseignant » de présenter une bonne cohérence
lors du déroulement d'une séance. Cette méthode permet aussi de
pouvoir évaluer un candidat audit brevet d'état. Elle a permis à
un grand nombre d'enseignants de « professer » avec un
niveau technique peu avancé (1er
Dan
minimum dans un premier temps puis 2e
Dan) tout en proposant un contenu se voulant « pertinent » ;
ceci a servi les fédérations en développant le nombre des clubs
sur le territoire.
Au
Japon, les enseignants démontrent et les élèves copient.
On
dit souvent que les élèves doivent tenter de « voler »
la technique à leur maître. C'est en effet à l'élève de faire
l'effort de comprendre la technique et non au maître de l'expliquer,
encore moins de la justifier. C'est plus facile pour les enseignants,
qui ne le sont qu'à partir d’un niveau technique avancé, car un
grade minimum de 5e
Dan est en général requis.
Si
l'on demande à voir un détail technique, il n'est pas rare que le
Sensei se contente de démontrer le mouvement dans sa totalité et
c'est encore à l'élève d'observer pour trouver la réponse.
Cependant les cours ne sont pas que « magistraux » et le
Senseï corrige ses élèves sur des détails techniques.
La
tendance fédérale est donc orientée vers l'analyse et les
enseignants sont considérés comme des « entraîneurs »
détenteurs d'une méthodologie. Les orientaux adoptent plutôt une
méthode globale et les pratiquants devenus des « Maîtres »
sont autorisés à transmettre leurs connaissances. Dans le Budo, la
transmission est verticale, du maître vers l'élève.
Bien
sûr, l'idéal serait d'avoir un bon maître avec une bonne
pédagogie.
L'enseignant
peut parfois utiliser une pédagogie dite active, avec une
participation de l'élève dans une mise en situation l'impliquant
pour l'amener à réfléchir et parfois trouver par lui-même. Cette
méthodologie est sûrement plus adaptée aux occidentaux à l'esprit
plus « cartésien » qui incite à comprendre d'abord
intellectuellement.
Quelle
que soit la méthode choisie, elle déteint sur la manière dont nous
abordons la transmission d'un savoir technique.
Comme
évoqué ci-dessus, la pédagogie française s'oriente plus vers
l'analyse. Les enseignants ont tendance à développer un travail
séquencé, en adéquation avec la formation reçue. Cette
décomposition des mouvements permet un apprentissage « pas à
pas », avec la possibilité de procéder à une évaluation en
comparant avec le modèle proposé.
S’il
est plus facile pour un débutant de comprendre intellectuellement
une technique avec cette méthode, il lui est cependant difficile
d'assimiler corporellement tous les détails de la gestuelle à
restituer. Aussi, en général, il est demandé de tenter de
reproduire « grossièrement » un mouvement et les détails
ne seront pas corrigés tout de suite sauf s'il y a danger pour un
des protagonistes. Pendant cette période, le pratiquant a le
sentiment de progresser.
L'assimilation
est donc plutôt globale, à l'instar des premiers tracés d'une
esquisse en dessin. Au fur et à mesure de l'apprentissage, le trait
se fait plus fin et plus précis et apparaissent alors les détails.
À ce stade, le sentiment initial de progression cède souvent la
place au doute et parfois au découragement.
Le
danger serait de se concentrer uniquement sur les détails car se
renforcerait alors un travail décomposé, stéréotypé, parfois
incohérent. Les arrêts dits pédagogiques ne le sont que s'ils
permettent d'être effacés par la suite pour réaliser un travail
fluide. Comme sur une vidéo, il doit être possible de mettre le
film en pause puis de reprendre le cours de l'action dans son
déroulement.
Or
ce n'est pas toujours le cas dans la pratique martiale. L'arrêt
permet aux pratiquants de réajuster un positionnement ou de rétablir
un déséquilibre, ce qui fausse le mouvement dans son ensemble. Ces
réajustements faits inconsciemment ou volontairement empêchent la
continuité du mouvement et placent un pratiquant dans
l'impossibilité de terminer sa technique. Ce qui est un vol pur et
simple de la technique.
Il
s’ensuit parfois que le plus gradé explique au moins gradé ou,
pire, que l'homme explique à la femme même si elle est la plus
gradée.
Afin
de ne pas tomber dans ces pièges, un travail plus global intégrant
les détails analysés doit pouvoir être réalisé par le
pratiquant. Même si un arrêt pédagogique est proposé par
l'enseignant, qui fait souvent face à un groupe hétérogène, il
est possible de ne pas marquer le temps d'arrêt. Il est alors
important dans un premier temps de trouver un rythme d'exécution de
la technique plutôt lent (Voir Éloge de la lenteur) qui permet un
feedback corps-esprit pendant son déroulement. Cette relative
lenteur permettra donc de vérifier les points à réaliser, mais
elle permettra en outre de travailler avec des gradés comme avec des
débutants. Lorsque l'occasion de travailler entre pratiquants de
même niveau se présente, le rythme se devra d'augmenter jusqu'à ce
qu'une limite d'exécution de fasse ressentir : mauvaise réalisation
ou défaut de Ukemi. C'est en général à ce moment que l'enseignant
apporte un éclairage nouveau qui nous incite à revoir la vitesse
d'exécution pour pouvoir l'assimiler. Le travail redevient alors
analytique.
Ainsi
se développe généralement la progression entre travail global et
travail analytique.
Permettez-moi
de conclure cet article avec cette petite question de l'élève au
maître :
(Les
sentiers de la montagne. 2001.)
L’élève
demande au Maître :
«
Comment savoir si l’on est sur le véritable chemin ?
-
On ne le peut, répond le Maître, il n’y a pas de véritable
chemin. Deux sentiers mènent à la montagne, le premier est long et
sinueux, le second est plus direct, lequel prendrais-tu ?
-
Le second, Maître.
-
Le second n’est pas le bon chemin.
-
Devrais-je prendre le premier ?
-
Le premier n’est pas le bon chemin. »
L’élève
ne comprend pas, alors le Maître rajoute :
«
Le novice doit prendre le premier pour apprendre à connaître la
montagne.
L’initié
le second, car il ne doit pas se disperser.
Le
confirmé doit reprendre le premier, pour garder l’esprit du
débutant.
Le
gradé le second, pour aller à l’essentiel.
L’expert
pourra s’aventurer hors sentier.
Et
le maître ne prendra pas le premier, ni le second, parce qu’il est
lui-même la montagne. »
Ce n'était pas là le sujet, mais bien évidemment, le Ukemi permet de ressentir la technique. La progression de l'Ukemi se fait aussi en alternance entre travail décomposé et travail global : impensable de réaliser un Koshi Nage directement sur un novice ! ;-)
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