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lundi 20 novembre 2017

Avenir compromis ?

Depuis quelques saisons nous constatons une baisse du nombre des pratiquants d'Aïkido.

Cette baisse concerne plusieurs fédérations ou groupements. Le nombre des débutants diminue et le manque de renouvellement de la population des pratiquants devient inquiétant.

Quelles sont les raisons pour lesquelles notre discipline ne séduit plus autant qu’avant ? Commençons par un état des lieux.








Un manque de communication
L’Aïkido est peu médiatisée, principalement du fait qu’il n’y a pas de compétion, championnat ou médaille susceptible d’être un support de communication.
Au niveau national français, les occasions de parler de l’Aïkido sont très rares et cette discipline martiale reste peu ou mal connu.
Chez les pratiquants, beaucoup d’énergie a été engagée dans des médiocres conflits d’intérêts et de pouvoir, alors qu’elle aurait pu être employée pour dynamiser la pratique, développer la communication et la promotion de la discipline, ou encore favoriser le perfectionnement des « cadres » et la progression de tous les pratiquants.

Un manque de communication positive
Les guerres fratricides des fédérations françaises délégataires qui ont travaillées « contre » au lieu de construire ensemble, l'isolement de quelques groupes « autonomes » et les critiques exacerbées par des conflits d'Ego les trente dernières années ont certainement contribué à détériorer l'image de noblesse d'une discipline qui prône pourtant l'harmonie.

Un niveau technique général peu convainquant
Nombreux sont ceux qui considèrent que le niveau technique général est peu satisfaisant ou pensent que les contenus s'éloignent de la martialité originelle avec laquelle il faudrait garder un lien si l'on souhaite revenir à une pratique capable de répondre à la difficile équation entre « Art martial » et « Voie de la Paix ».
Avec des techniques parfois peu cohérentes et des protagonistes convaincus dans leur ignorance de leur invincibilité, les très nombreuses démonstrations disponibles sur le Web témoignent des actuels niveaux de pratique. Et face à d'autres pratiques présentées de manière plus ludique ou sportive, l'Aïkido ne convainc plus.

Une population qui vieillit
La moyenne d'âge des pratiquants témoignent pourtant de la longévité possible dans la pratique de notre art, mais présente l’inconvénient d'apparaître comme une pratique de vieux. Les plausibles adaptations et l'apparition d'une pratique beaucoup moins dynamique dite pour « seniors » y contribuent.

Un contenu en décalage avec la vie d’aujourd’hui
Assiduité et engagement nécessaires dès le début de la pratique, sont peu d’usage chez les jeunes adultes éduqués dans une société de consommation et de zapping.
Le temps nécessaire à l’étude d’un Budo semble de plus en plus incompatible avec les rythmes de la société actuelle.

Un cadre (trop) rigoureux
La rigueur des protocoles, garante des règles de bien vivre, peut être aussi perçue comme une entrave à la liberté recherchée dans la pratique d'un loisir dans lequel on cherche à rompre avec les règles rigides et contraignantes de la vie « dite » moderne.

Cet état des lieux non exhaustif permet d’amorcer une réflexion sur le devenir de notre discipline.
Certains considèrent qu’une adaptation est nécessaire, d’autres s’interrogent sur un retour en arrière afin de revenir à une pratique plus proches des fondamentaux.
L’équation est toujours difficile à résoudre lorsqu’il s'agit de construire un avenir tout en conservant les fondations.

L’Aïkido doit-il donc s’adapter pour survivre ?
D’une manière générale, tout est soumis à adaptation et évolution car rien n’est éternellement figé.
Mais s’il s'agit de proposer un autre contenu uniquement pour séduire de nouveaux pratiquants, autant changer de pratique et donner un nouveau nom à la discipline.
Évoluer ne signifie pas renier ses fondamentaux ni se couper de ses racines.

Je citerai en exemple une réflexion autour de l'Aïkido-Enfant lors d'une « École des cadres ». Des enseignants qui avaient ouvert des sections « Baby Aïkido » expliquaient qu’ils accueillaient des enfants dès l'âge de quatre ans. Lorsqu’ils étaient interrogés sur les contenus proposés, ils mettaient en avant un travail sur le développement psychomoteur des enfants en proposant des jeux, des exercices qui introduisaient des agrées, ballons, cerceaux et autres objets qui transformaient le tatami en salle de gymnastique et au dire de certains, en terrain d'éducation canine. (Ces propos peuvent paraître durs mais il faut savoir entendre la critique.)
Quelles motivations ont amené ces professeurs-éducateurs à proposer des cours à un si jeune public ?
Augmenter (gonfler) le nombre de licenciés ?
Augmenter le « chiffre d’affaire » pour mieux rémunérer un enseignant diplômé ?

D’autres disciplines martiales ont mis en place des pratiques dites « cardio » où les cours ont lieu en musique.
Les motivations ici sont-elles : Remplir des salles ? Séduire un nouveau public ?  Engranger des cotisations ?

N’y a t-il aucun autre devenir des arts martiaux que celui de se commercialiser ?

Renouer avec ses fondements
Plusieurs voix avancent qu'il est nécessaire de renforcer les liens avec les racines de l'Aïkido et revenir à une certaine forme de martialité qui semble faire défaut dans certaines pratiques actuelles.
Je me joins à eux lorsqu'ils estiment qu'il faut aussi se rapprocher d'autres disciplines martiales. Les échanges sont en effet bénéfiques car ils amènent à s'interroger sur sa propre pratique et éclaire souvent d'un regard nouveau certains aspects des disciplines pratiquées.
Il faut cependant garder à l'esprit que les maux de notre pratique peuvent être aussi ceux des autres disciplines qui, elles aussi, se sont parfois coupés de leur propres racines. Ces échanges doivent donc être abordés avec sérieux dans le choix des intervenants et ne doivent pas être l’occasion d’étaler des connaissances lacunaires pour des enseignants en quête de pseudo-gloire.

Lorsque l’on utilise le terme « revenir », c’est sûrement que l’on estime que nous sommes « allés » trop loin, trop loin en perdant le lien du point d’origine, trop loin dans l’évolution.
Il nous faut alors retourner vers les origines.
Pour cela nous pouvons faire marche arrière. Nous pouvons tout aussi bien avancer de nouveau vers le point d’origine enrichis des expériences vécues.

De nombreux Budo proposent des formes codifiées (Kata) qui garantissent un niveau correct de transmission.
Même soumis à interprétation de ceux qui les enseignent, le kata possède le fond comme la forme et révèle de véritables trésors. Ces trésors ne sont pas cachés. Ils sont présents dés le début de la pratique et n’apparaissent qu’avec le temps de l’étude. Ils ouvrent autant le champs de la conscience qu’ils révèlent et en approfondissent les détails.
Mais plus encore, le kata oblige à un retour constant vers les bases fondamentales.

Hormis l’enchaînement présenté en passage de grade : Ikkyo, Nikyo...Gokyo, qui était défini comme le « kata des 5 principes » par le groupe GHAAN de M. André Nocquet, l’Aïkido n’a pas de kata, du-moins dans sa pratique à main nue.
Certes, toutes les techniques peuvent être abordées comme des kata puisqu’elles recèlent en elle tous les principes fondamentaux. Mais leur enseignement et leur pratique n’est pas soumise à un retour constant aux bases.
Aussi, et ce qui en fait une richesse de l’Aïkido, il est possible d’exprimer plusieurs sensibilités ou interprétations d’une même technique.
Aussi, et ce qui en fait un défaut, il est possible de trop s’éloigner de la forme originelle, ou de lui donner un sens différent, si bien qu’entre une pratique et une autre les différences prendront le pas sur les similitudes et favorisera l’incompréhension.
Nous pouvons constater que l’absence de kata ouvre une porte vers une dérive.

Cette dérive peut être encore amplifiée par l’absence de lien permanent entre un jeune enseignant (pas forcément jeune en âge) et son ou ses maîtres.

Le jeu des fédérations qui consiste à former des brevets fédéraux dès le 1° ou 2° Dan et les invitant à « ouvrir » de nouveaux clubs y contribue encore plus à cette dérive (on peut s’interroger ici sur les motivation intrinsèques des fédérations).

Avenir compromis ?
La baisse des pratiquants est-elle un mal pour l’Aïkido ?
Non, si cela permet d’augmenter la qualité.
Si les arts martiaux traditionnels sont actuellement en déclin, pouvons-nous déclarer que les Aïkido-ka sont en voie d’extinction ?
L’avenir est ce que nous en ferons, mais c’est aujourd’hui que se prépare demain.

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