Depuis
quelques saisons nous constatons une baisse du nombre des pratiquants
d'Aïkido.
Cette
baisse concerne plusieurs fédérations ou groupements. Le nombre des
débutants diminue et le manque de renouvellement de la population
des pratiquants devient inquiétant.
Quelles
sont les raisons pour lesquelles notre discipline ne séduit plus
autant qu’avant ? Commençons par un état des lieux.
Un
manque de communication
L’Aïkido
est peu médiatisée, principalement du fait qu’il n’y a pas de
compétion, championnat ou médaille susceptible d’être un support
de communication.
Au
niveau national français, les occasions de parler de l’Aïkido
sont très rares et cette discipline martiale reste peu ou mal connu.
Chez
les pratiquants, beaucoup d’énergie a été engagée dans des
médiocres conflits d’intérêts et de pouvoir, alors qu’elle
aurait pu être employée pour dynamiser la pratique, développer la
communication et la promotion de la discipline, ou encore favoriser
le perfectionnement des « cadres » et la progression de
tous les pratiquants.
Un
manque de communication positive
Les
guerres fratricides des fédérations françaises délégataires qui
ont travaillées « contre » au lieu de construire
ensemble, l'isolement de quelques groupes « autonomes »
et les critiques exacerbées par des conflits d'Ego les trente
dernières années ont certainement contribué à détériorer
l'image de noblesse d'une discipline qui prône pourtant l'harmonie.
Un
niveau technique général peu convainquant
Nombreux
sont ceux qui considèrent que le niveau technique général est peu
satisfaisant ou pensent que les contenus s'éloignent de la
martialité originelle avec laquelle il faudrait garder un lien si
l'on souhaite revenir à une pratique capable de répondre à la
difficile équation entre « Art martial » et « Voie
de la Paix ».
Avec
des techniques parfois peu cohérentes et des protagonistes
convaincus dans leur ignorance de leur invincibilité, les très
nombreuses démonstrations disponibles sur le Web témoignent des
actuels niveaux de pratique. Et face à d'autres pratiques présentées
de manière plus ludique ou sportive, l'Aïkido ne convainc plus.
Une
population qui vieillit
La
moyenne d'âge des pratiquants témoignent pourtant de la longévité
possible dans la pratique de notre art, mais présente l’inconvénient
d'apparaître comme une pratique de vieux. Les plausibles adaptations
et l'apparition d'une pratique beaucoup moins dynamique dite pour
« seniors » y contribuent.
Un
contenu en décalage avec la vie d’aujourd’hui
Assiduité
et engagement nécessaires dès le début de la pratique, sont peu
d’usage chez les jeunes adultes éduqués dans une société de
consommation et de zapping.
Le
temps nécessaire à l’étude d’un Budo semble de plus en plus
incompatible avec les rythmes de la société actuelle.
Un
cadre (trop) rigoureux
La
rigueur des protocoles, garante des règles de bien vivre, peut être
aussi perçue comme une entrave à la liberté recherchée dans la
pratique d'un loisir dans lequel on cherche à rompre avec les règles
rigides et contraignantes de la vie « dite » moderne.
Cet
état des lieux non exhaustif permet d’amorcer une réflexion sur
le devenir de notre discipline.
Certains
considèrent qu’une adaptation est nécessaire, d’autres
s’interrogent sur un retour en arrière afin de revenir à une
pratique plus proches des fondamentaux.
L’équation
est toujours difficile à résoudre lorsqu’il s'agit de construire
un avenir tout en conservant les fondations.
L’Aïkido
doit-il donc s’adapter pour survivre ?
D’une
manière générale, tout est soumis à adaptation et évolution car
rien n’est éternellement figé.
Mais
s’il s'agit de proposer un autre contenu uniquement pour séduire
de nouveaux pratiquants, autant changer de pratique et donner un
nouveau nom à la discipline.
Évoluer
ne signifie pas renier ses fondamentaux ni se couper de ses racines.
Je
citerai en exemple une réflexion autour de l'Aïkido-Enfant lors
d'une « École des cadres ». Des enseignants qui avaient
ouvert des sections « Baby Aïkido » expliquaient qu’ils
accueillaient des enfants dès l'âge de quatre ans. Lorsqu’ils
étaient interrogés sur les contenus proposés, ils mettaient en
avant un travail sur le développement psychomoteur des enfants en
proposant des jeux, des exercices qui introduisaient des agrées,
ballons, cerceaux et autres objets qui transformaient le tatami en
salle de gymnastique et au dire de certains, en terrain d'éducation
canine. (Ces propos peuvent paraître durs mais il faut
savoir entendre la critique.)
Quelles
motivations ont amené ces professeurs-éducateurs à proposer des
cours à un si jeune public ?
Augmenter
(gonfler) le nombre de licenciés ?
Augmenter
le « chiffre d’affaire » pour mieux rémunérer un
enseignant diplômé ?
D’autres
disciplines martiales ont mis en place des pratiques dites « cardio »
où les cours ont lieu en musique.
Les
motivations ici sont-elles : Remplir des salles ?
Séduire un nouveau public ? Engranger des cotisations ?
N’y
a t-il aucun autre
devenir des arts martiaux que
celui de se
commercialiser ?
Renouer
avec ses fondements
Plusieurs
voix avancent qu'il est nécessaire de renforcer les liens avec les
racines de l'Aïkido et revenir à une certaine forme de martialité
qui semble faire défaut dans certaines pratiques actuelles.
Je
me joins à eux lorsqu'ils estiment qu'il faut aussi se rapprocher
d'autres disciplines martiales. Les échanges sont en effet
bénéfiques car ils amènent à s'interroger sur sa propre pratique
et éclaire souvent d'un regard nouveau certains aspects des
disciplines pratiquées.
Il
faut cependant garder à l'esprit que les maux de notre pratique
peuvent être aussi ceux des autres disciplines qui, elles aussi, se
sont parfois coupés de leur propres racines. Ces échanges doivent
donc être abordés avec sérieux dans le choix des intervenants et
ne doivent pas être l’occasion d’étaler des connaissances
lacunaires pour des enseignants en quête de pseudo-gloire.
Lorsque
l’on utilise le terme « revenir », c’est sûrement
que l’on estime que nous sommes « allés » trop loin,
trop loin en perdant le lien du point d’origine, trop loin dans
l’évolution.
Il
nous faut alors retourner vers les origines.
Pour
cela nous pouvons faire marche arrière. Nous pouvons tout aussi bien
avancer de nouveau vers le point d’origine enrichis des expériences
vécues.
De
nombreux Budo proposent des formes codifiées (Kata)
qui garantissent un niveau correct de transmission.
Même
soumis à interprétation de ceux qui les enseignent, le kata
possède le fond comme la forme et révèle de véritables trésors.
Ces trésors ne sont pas cachés. Ils sont présents dés le début
de la pratique et n’apparaissent qu’avec le temps de l’étude.
Ils ouvrent autant le champs de la conscience qu’ils révèlent et
en approfondissent les détails.
Mais
plus encore, le kata oblige à un retour constant vers les
bases fondamentales.
Hormis
l’enchaînement
présenté en passage de grade : Ikkyo, Nikyo...Gokyo, qui était
défini
comme le « kata des 5 principes »
par le groupe GHAAN de M.
André Nocquet, l’Aïkido
n’a pas de kata,
du-moins
dans sa pratique à main nue.
Certes,
toutes les techniques peuvent être abordées comme des kata
puisqu’elles recèlent en elle tous les principes fondamentaux.
Mais leur enseignement et leur pratique n’est pas
soumise à un retour constant aux bases.
Aussi,
et ce qui en fait une richesse de l’Aïkido, il est possible
d’exprimer plusieurs sensibilités ou interprétations d’une même
technique.
Aussi,
et ce qui en fait un défaut, il est possible de trop s’éloigner
de la forme originelle, ou de lui donner un sens différent, si bien
qu’entre une pratique et une autre les différences prendront le
pas sur les similitudes et favorisera l’incompréhension.
Nous
pouvons constater que l’absence de kata ouvre une porte vers
une dérive.
Cette
dérive peut être encore amplifiée par l’absence de lien
permanent entre un jeune enseignant (pas forcément jeune en âge) et
son ou ses maîtres.
Le
jeu des fédérations qui consiste à former des brevets fédéraux
dès le 1° ou 2° Dan et les invitant à « ouvrir » de
nouveaux clubs y contribue encore plus à cette dérive (on peut
s’interroger ici sur les motivation intrinsèques des
fédérations).
Avenir
compromis ?
La
baisse des pratiquants est-elle un mal pour l’Aïkido ?
Non,
si cela permet d’augmenter la qualité.
Si
les arts martiaux traditionnels sont actuellement en déclin,
pouvons-nous déclarer que les Aïkido-ka sont en voie
d’extinction ?
L’avenir
est ce que nous en ferons, mais c’est aujourd’hui que se prépare
demain.
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