L'Aïkido
nous propose une progression en développant simultanément capacités
techniques et habiletés motrices selon les rôles que nous endossons
pendant la pratique : Shite ou Tori, celui qui agit et qui
réalise la technique ; Aïte ou Uke, le partenaire qui permet
l'apprentissage de la technique et qui la subit.
Ces
deux rôles ne suivent pas le même schéma de progression et
diffèrent d'un pratiquant à l'autre selon les compétences et les
qualités de chacun. Il est cependant important de travailler ces
deux facettes qui restent indissociables, le rôle de Aïte
permettant de comprendre celui de Shite et inversement.
Dans
les Koryu, Uchidachi (celui qui est « sous » le sabre)
est un rôle toujours tenu par un plus gradé permettant ainsi à
Shidachi (celui qui agit avec le sabre) d'apprendre de manière
correcte et pertinente. Mais en Aïkido, nous inversons les rôles
quel que soit le niveau du partenaire. Si cet échange favorise
l'expérimentation, il aboutit parfois à une incompréhension de la
technique avec un partenaire ne permettant pas sa bonne exécution ou
à l'inverse, avec un partenaire trop complaisant.
J'ai
déjà développé ce sujet dans les chroniques « la relation Uke-Tori »
et « Uchidachi, l'essence du rôle de Uke dans l'Aïkido ».
Je m'intéresserai ici
aux implications et conséquences de développer les deux facettes
d'un pratiquant d'Aïkido.
La
progression dans les deux rôles devrait être en théorie linéaire
mais en pratique ce n'est pas le cas et la progression oscille entre
développement du Ukemi et perfectionnement technique, chaque phase
tirant l'autre vers le haut.
Lorsque
le niveau « Tori » est trop supérieur au niveau « Uke »
chez un même pratiquant, cela signifie qu'il peut exécuter une
technique qu'il sera lui-même incapable de suivre. Il fera donc à
autrui ce qu'il ne pourra subir, avec le risque de ne pas être
conscient des conséquences de ses actes et d'appliquer une technique
de manière brutale alors qu'il serait dans l'incapacité de la
subir. L'exécution technique devient dès lors plus " Jutsu "
que " Aïki ".
Le
niveau insuffisant de Ukemi se traduit souvent par de la rigidité,
un essoufflement rapide et un manque de disponibilité corporelle
comme parfois d'esprit.
À
l'inverse, lorsque le niveau en tant que Uke est bien supérieur à
celui de Tori, cela implique un manque de connaissance ou de
précision technique malgré une certaine aisance corporelle. Le
pratiquant sera capable de subir une technique d'un niveau supérieur
à ce qu'il pourra produire. Il tentera de reproduire chez son
partenaire les sensations ressenties par lui-même en tant que Uke,
mais le niveau technique insuffisant ne le lui permettra que
rarement. Plutôt perçu comme souple, il est sollicité par les
pratiquants mais son niveau d'exécution technique ne lui permet pas
de placer correctement sa technique. Il manquera souvent de centrage
et de fermeté.
Pour
bien progresser, nous ne devons donc pas négliger les deux rôles à
jouer. Bien entendu, pour un âge avancé ou une gêne fonctionnelle
temporaire comme définitive, l'équilibre des facettes Tori-Uke peut
être rompue et redéfinie. Mais pour la majorité, nous devons
rechercher un bon équilibre dans le développement de nos capacités
et de nos aptitudes tant à exécuter que suivre une technique.
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