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vendredi 7 novembre 2014

Pratique unique, pratique plurielle

Bon nombre de pratiquants de Budo s'ouvrent à d'autres disciplines martiales que celle initialement pratiquée. Les raisons sont multiples : enrichissement personnel, désir de se confronter à de nouvelles formes, rencontres courtoises entre écoles ou clubs, développement des aptitudes ou des connaissances... Cette démarche présente des bénéfices pour le pratiquant mais aussi des inconvénients qu’il faut prendre en compte.

La plupart du temps, les pratiquants sont enthousiastes de cet enrichissement qui parfois ne consiste qu'à obtenir un éclairage nouveau sur sa propre pratique. Cependant peu sont conscients que dès lors qu’une connexion avec une autre pratique est établie, elle transforme la pratique et par la même le pratiquant.


Au plus bas niveau, le pratiquant a vu " autre chose " mais il ne fait pas de lien avec sa pratique. Il a seulement ouvert son esprit ou sa conscience à un autre " possible ". Le degré d'enrichissement n'est pas suffisant pour une métamorphose significative du pratiquant ou de sa technique. Il n'est cependant pas exclu qu'une connexion soit établie a posteriori lorsque le niveau de conscience du pratiquant aura augmenté.

À un niveau plus élevé, le pratiquant n'établit toujours pas consciemment de relation entre sa propre pratique et celle découverte, mais sa technique s'en trouve tout de même modifiée. Ces changements subtils aboutissent parfois à de grandes différences dans la pratique d'un même art selon les pratiquants, leur vision et leur conception de la technique forgées sur la forme même de technique reçue, son apprentissage et sa mise en œuvre. Certains pourront juger à ce stade que la pratique est entachée de formes externes et qu'elle n'est plus conforme à l'originale ou du moins celle enseignée.

Ken-Jutsu

À un niveau encore plus élevé, le pratiquant prend conscience de principes communs, de points de convergence ou de complémentarité. Il peut se satisfaire de l'éclairage apporté et améliorer sa pratique (enrichissement qualitatif), comme il peut choisir d'entamer cette nouvelle voie comme complémentaire à la sienne (enrichissement double : qualitatif et quantitatif).

À un niveau encore supérieur, à l'instar d'un musicien apte à jouer différents registres, il peut choisir d'adopter, ou non, les nouvelles formes acquises, voire de les combiner avec les siennes. Il ne s'agit plus ici de transformation mais de " fusion contrôlée ", ce qui demande un niveau de maîtrise supérieure. Pour accéder à cette " transe-formation " un haut niveau d'investissement dans la pratique est nécessaire.

Aïki-Jo

Parfois, le pratiquant passe d'une technique à une autre sans toutefois aller au-delà d'un niveau minimal de maîtrise. Ainsi pense-t-il progresser en quantité. Hélas cette quantité ne remplacera pas la qualité, et en deçà d'un niveau minimal d'investissement, ce papillonnage ne permet pas d'atteindre l'essence d'une technique mais seulement son enveloppe externe. Les aptitudes du pratiquant se trouvent alors limitées dans le temps et finissent généralement par décliner avec l'âge.

La formation d'un Budoka passe par l'apprentissage et l'acquisition de techniques mais aussi par le développement de ses propres capacités. Le pratiquant de Budo tente alors de progresser constamment dans tous les domaines, qu'ils soient techniques ou spirituels. Il comprend que la pratique ne peut être figée car cela serait synonyme de non-progression. Aussi sa pratique de demain se devra d'être meilleure que celle d'aujourd'hui. Cette progression amorce indubitablement une transformation de l'être qui évolue avec le temps.

Iaïdo

Pour le pratiquant, la technique est à la fois étalon, référence et modèle. Le Kata (forme codifiée) et le Wasa (application technique) ont un rôle primordial dans la transmission d'un savoir-faire qui transcende le savoir-être. Si le Kata conserve la technique dans sa pureté, sa beauté et son efficacité, le Wasa l'adapte à la situation. Comme un phare dans la nuit, la technique se doit d'être un repère immuable. Elle devient le but ultime à atteindre. Le plus souvent le but étant, non pas si éloigné, mais si profond et subtil qu'il alimente le pratiquant pendant toute sa vie.

Avec le temps, le niveau de maîtrise augmente et le pratiquant peut atteindre un niveau d'expertise s'il s'en donne les moyens. Certains experts choisissent alors de préserver le modèle référent et de le transmettre à leur tour. C'est un choix difficile car le pratiquant se met alors entièrement au service d'une forme technique et s'empêche dès lors de l'enrichir avec d'autres formes pour ne pas la transformer ou la parasiter. Mais si la technique est figée dans sa forme, le pratiquant évolue encore.

Aïkido


Quel que soit son choix, entre unicité et pluralité, le pratiquant désireux de progresser doit enrichir et approfondir ses connaissances en tenant compte des avantages et inconvénients de sa pratique, comme de ses propres qualités et défauts.

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