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mercredi 16 décembre 2015

L'Aïkido : une Voie dans l'impasse ?

Cet article fait suite à « L'Aïkido : Techniques martiales ? ».

Dernier article de 2015, ce texte n'est pas enclin à l'optimisme et s'accorde au déclin de la lumière jusqu'au solstice d'hiver prochain. Avec les bonnes résolutions de la nouvelle année, les prochains articles de cette série traiteront des solutions envisageables pour redorer l'art martial.

L'avenir de l'Aïkido est celui que nous lui réservons, nous les pratiquants, les enseignants, les maîtres et les « administratifs ». Nous sommes tous responsables du devenir de la discipline que nous pratiquons. Mais sommes-nous à son service ? Ou sommes-nous au service de notre Ego ?

Le Budo ne s'est pas créé du jour au lendemain. Il aura fallu plusieurs siècles d'expérimentations et de réflexions pour transformer l'acte barbare du combat en Voie de réalisation de l'Être. Ce processus de métamorphose fut lent et progressif. Nous sommes les héritiers d'un savoir-faire et d'un savoir-être issus de cette évolution. Mais aujourd'hui nombre de pratiquants ne s'intéressent qu'à l'aspect technique et au résultat immédiat. Au nom de la compétition sportive, renforcements musculaires, exercices cardiovasculaires et compléments alimentaires sont la panacée des sportifs dans l'espoir d’atteindre, peut-être, un éphémère moment de gloire. Au nom de la compétition avec les autres, renforcement de l'Ego, non-écoute, non-attention, auto-congratulation se répandent.

S'il existe encore des maîtres de disciplines martiales qui orientent leur pratique dans le respect et l'éthique du Budo, de trop nombreux pratiquants bafouent allègrement les principes fondamentaux. Ils revendiquent haut et fort un état d'esprit, une manière d'être et une règle de vie en adéquation avec les principes qui régissent une Voie, mais la plupart ni ne les applique ni ne les respecte. L'exemplarité n'est plus démontrée, les sources se tarissent, le désert guette. Le paysage du Budo sera bientôt remplacé par une pratique synthétique où l'Ego des uns fera le malheur des autres, où les vices de notre société moderne seront rois et les trésors de la Voie perdus à jamais.

Budo-Ka, sommes-nous dans l'impasse ?
Oui, si nous continuons ainsi.

Pouvez-vous imaginer, pendant la remise d'un grade de haut niveau, voir le récipiendaire tourner le dos au Senseï sans même le saluer, alors que celui-ci est en train de lui remettre son diplôme, pour lire un discours sorti de son Keiko-Gi* à l'attention du public improvisé de pratiquants présents ?
Oui ! Vous pouvez l'imaginer. J'en ai été le témoin. J'ai été le témoin de cette mascarade, devrais-je dire de ce carnaval. Quel piètre spectacle ! Et quel exemple pour les jeunes pratiquants présents !
Impossible de minimiser la scène en portant la faute sur l'ignorance du protocole : il s'agit là d'un haut grade d'Aïkido, le premier des hauts grades exemptés d'examen technique !
Le récipiendaire égotiste continue son discours : il aime se remémorer son ancienneté ou ses actions de promotion comme des faits d'armes. Il a invité des « notables » d'autres disciplines, des hauts gradés eux aussi dans leur discipline, dont certains aux abdomens proéminents sont incapables de s’asseoir en Seiza ni d'adopter une position debout de circonstance. Chacun prend la parole, nous assistons à une pléiade de monologues plus égotistes les uns que les autres. La plupart des pratiquants, choqués par la scène, ne restent sur le tatami que parce qu'ils n'ont pas encore effectué le salut de fin de stage : impensable pour eux de manquer de respect au Senseï présent. Ils sont pris en otage par leur hôte, celui-là même qui a organisé le stage et qui se reconnaîtra sûrement dans ces lignes.

Qui est responsable ? L'enseignant égotiste ? Le Senseï qui a « bien voulu » signer la demande de grade (il s'agit d'un grade de haut niveau sur dossier et sans examen) ? Ou l'administratif qui a initié la demande (le demandeur n'a aucun grade Dan) ?
L'administratif l'est, bien qu'il ne pensait pas à mal, même si le premier expert consulté avait refusé de signer la demande. Le Senseï aussi, car il n'a pas osé dire non à son tour, ou parce qu'il n'a pas vu le niveau réel du récipiendaire. L'enseignant cité ici l'est de par sa nature égotiste et mégalomane de surcroît.

Tous sont responsables à des degrés différents. Mais nous le sommes aussi en cautionnant cela !

Les dérives de la Voie sont multiples : Ego des pratiquants, des enseignants, des administratifs ; manque de pratique et de niveau technique ; échelle des grades faussée par des grades « donnés » sur des critères autres que techniques ; techniques « techniciennes » sans cohérence martiale ; faible niveau technique d'un grand nombre d'enseignants. Et sans oublier : gestion « sportive » et fédérale d'un art martial qui n'est surtout pas un sport de combat.

Trouverons-nous les remèdes à ces maux ?

(à suivre)


* tenue d’entraînement appelée à tort Kimono

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