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lundi 11 mars 2013

Aïkido, Voie Difficile ou Logique d'un abandon progressif

Après l’enthousiasme des premiers cours, l’effet euphorique des premiers pas s’efface. La découverte des premières techniques annonce déjà une route longue, voire difficile. Il ne faut pas se voiler la face : la formation d’un Budō-Ka passe par l’apprentissage et l'expérimentation durant de nombreuses années, et ceux qui ont cru aux exploits de « Miagi Sensei » dans « Karaté Kid », propulsant un jeune néophyte au rang de champion en une saison, se mettent deux doigts dans l’œil. La route, si vous la suivez, vous mènera plus loin et plus tard. Elle est aussi semée d’embûches dont certains ne se relèveront pas. Il faudra être patient et persévérant.
Vous découragez ?! Non, au contraire. Relativisons...

Les anciennes Écoles (Dojo, Ryu) accueillaient des élèves internes qui pratiquaient de manière intensive. En l’espace d’un mois et un iota ils arrivaient facilement à un quota d’heures que certains ne totaliseront à peine en une saison (2 x 1h30 x 36 semaines = 110 heures environ).
Si l’on se réfère à la progression KYU (grades ou niveaux avant les ceintures noires), le temps minimum pour accéder au Shodan (1ère Dan) est d’environ 4 saisons, bien qu’il ne soit demandé pour cet examen que 3 timbres de licences. Il y est précisé que ces temps sont des minima réglementaires et qu’il faudra en moyenne les multiplier par 2 :
soit 3 x 2 = 6 années - donc une progression au rythme d’un grade KYU par saison.

Pratiquer de manière assidue
Les acquis se font progressivement au rythme de chacun selon l’âge, la motivation et la condition physique du pratiquant (phase 1).
La progression atteint un premier palier où l’on pourra constater une « certaine régression ». C’est une étape naturelle dans le processus de l’apprentissage. Elle correspond à une phase de « digestion » et on peut la comparer à l’adolescent qui a subitement grandi d’une bonne quinzaine de centimètres et qui doit prendre de nouveaux repères dans un corps en pleine mutation. (Serait-ce là le support physique de la crise d’adolescence ?).
Bon ! Vous voilà en pleine crise, vous perdez vos repères, vous avez du mal à exécuter certaines techniques qui vous semblaient acquises, ce qui par ailleurs était un leurre. En bref : vous déprimez. En perdant le plaisir de la pratique et en voyant les « nouveaux » en pleine réussite de la phase 1, votre motivation s’envole et vous vous trouvez des tas de très bonnes et valables excuses vous convainquant que vous êtes contraint de sécher les cours ou que vous avez mieux à faire.
C’est lors de cette étape (phase 2) que beaucoup quittent le Dojo, et souvent de manière définitive.
Vous avez franchi le cap et vous voilà remontant la pente qui, après coup, n’était pas si terrible (phase 3). Vous progressez et vous êtes engagé sur la voie Aïki. Le port de l’Hakama y symbolise votre engagement. Il faudra être assidu pour avancer vers le Shodan.

Voir toujours un peu plus loin
Si vous vous fixez des objectifs comme « arriver au niveau Shodan » ou encore « porter l’Hakama » sans voir un peu plus loin, vous aurez de grandes chances d’arrêter d’être assidu une fois votre objectif atteint. Si vous vous fixez un objectif trop éloigné ou irréalisable vous aurez de grande chance de vous démotiver totalement. Si vous êtes trop pressé, votre impatience vous jouera des tours. Profitez du voyage, appréciez le temps présent, laissez-vous porter vers la prochaine étape. Le phénomène de régression peut se répéter comme de multiples vagues d’intensité de plus en plus faible. Mais leurs écumes laisseront s’échouer çà et là encore quelques démotivés.
Pour ceux qui reprennent après un arrêt conséquent, rien n’est simple. Avant tout parce que le niveau, dit niveau de rétention est plus faible. Le corps en l’absence d’exercices physiques réguliers s’est affaibli aussi. Il faut accepter d’être moins qu’avant, d’avoir été dépassé par certains que l’on a vu naître, crever l’illusion que l’on est encore alors que l’on n’est plus. En bref, plein de claques en perspective c’est dur, dur pour l’Ego.
Les phénomènes décrits sont vrais, et je m’excuse pour toutes les ressemblances avec des personnes ayant vécu ces expériences. Pour elles, comme pour tous, une seule issue : Pratiquer de manière régulière.

Pratiquer de manière régulière
* Être régulier : c’est venir toutes les semaines.
* Être assidu : c’est laisser de côté les problèmes de tous les jours pendant la pratique


Bien sur on peut rater un cours, avoir un empêchement. Seuls les empêchements réguliers porteront atteinte à votre régularité.

Pratiquer à son rythme
Respecter sa condition physique est un premier élément à ne pas négliger si l’on veut pratiquer longtemps, mais faire en sorte que l’on accède à un rythme supérieur, c’est s’améliorer progressivement.
Dans le Budo, c’est le principe que l'on appelle SHIN GI TAI : l’Esprit, la Technique, le Corps.
Lorsqu’on est jeune Taï est fort, GI se travaille et SHIN est souvent insouciant. Vers la quarantaine un équilibre subtil s’opère, c’est peut-être la force de l’âge. En vieillissant TAI s’affaiblit, mais GI est fort et avec SHIN ils transcendent TAI. L’équilibre SHIN GI TAI permet de s’améliorer à tout âge.
Cependant si vous commencez tard, demandez conseil à votre médecin. Un test d’effort vous permettra de vous situer. N’essayez pas de vouloir rattraper le « temps perdu », soyez patient.

Expérimenter sa pratique
L’Aïkido peut être pratiqué de manière très différente selon la sensibilité du professeur. Parfois on rencontre, lors de stages ou d'inter-clubs, des personnes qui pratiquent un « autre Aïki » et on peut avoir du mal à s’exprimer ensemble.
Pourtant ces occasions permettent d’approcher de haut-gradés ou de rencontrer des Aïkido-Ka en dehors du cocon douillet du club. Ces expériences sont enrichissantes. Votre professeur vous indiquera les stages les plus appropriés dans les premières étapes de votre progression. Un certain nombre de stages sont d’ailleurs nécessaires pour l’inscription à l’examen fédéral de grade Dan.

Conseil du prof
La proximité de mes clubs permet aux plus motivés de pratiquer de manière assidue et journalière. Cette possibilité est un atout permettant une 3ème, 4ème, 5eme ou 6eme séance hebdomadaire. La voir comme un « joker », (se dire : je n’y vais pas ce soir, j’irai demain) est une grave erreur qui ébranle la régularité de votre « SHIN ».
Pour ceux qui n’ont la possibilité que d’une seule séance hebdomadaire, la rigueur de la régularité est indispensable car dans le cas contraire vous tenterez de maintenir un niveau qui vous échappera malgré vous. En connaissance de cause, vous êtes seul responsable de vos choix. Mais chacun est libre et personne ne vous en tiendra rigueur.
Ma volonté est d’entretenir votre enthousiasme, d’accroître votre motivation. Le plaisir de la pratique est à lui seul une source d’énergie intarissable que je souhaite partager avec tous et le plus longtemps possible.

Texte de Marc Senzier . Période 1998-2000. Révisé le 10 mars 2013.

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